Biais d’autorité : 5 clés pour savoir le déjouer
Introduction : Voir le biais d’autorité pour le déjouer
Vous êtes en réunion. Quelqu’un propose une idée discutable. Tout le monde acquiesce. Vous aussi. Pourtant… vous n’êtes pas d’accord. Mais c’est votre manager. Alors vous vous taisez. Le biais d’autorité est à l’oeuvre.
Ça vous parle ? Moi aussi.
Ce réflexe a un nom : le biais d’autorité. Il agit comme une main invisible sur nos pensées, nos paroles, nos silences. Bonne nouvelle : on peut apprendre à le reconnaître, et surtout, à en faire quelque chose de constructif.
Le biais d’autorité : un filtre bien plus courant qu’on ne le pense
Le biais d’autorité, c’est notre tendance à accorder plus de crédit à une information ou à une idée, simplement parce qu’elle vient d’une personne perçue comme légitime ou puissante : un manager, un expert, un leader charismatique.
Ce biais est ancré dans notre histoire évolutive. Obéir au chef de meute, dans des contextes de survie, était souvent la meilleure option. Sauf qu’aujourd’hui, en entreprise, ce réflexe peut étouffer l’expression, freiner l’innovation, voire mener à des décisions peu pertinentes.
Et pourtant, il est difficile à repérer. Pourquoi ? Parce qu’on le confond avec le respect. Il est culturellement valorisé. Il nous donne l’illusion de sécurité.
Déjouer le biais d’autorité, c’est commencer par le voir à l’œuvre. Chez les autres. Mais surtout en soi.
Clé 1 : Donnez un nom à ce qui vous freine
À chaque fois que vous vous censurez en réunion, posez-vous cette question : « Est-ce que je crois vraiment ce que je pense, ou est-ce que je me plie à une autorité implicite ? »
Identifier le biais d’autorité, c’est déjà l’affaiblir. C’est comme pointer une illusion d’optique : une fois qu’on l’a vue, on ne peut plus faire comme si elle n’existait pas.
Astuce : Gardez une trace de vos non-dits. Sur une semaine, notez les moments où vous avez pensé différemment mais n’avez rien dit. Que se passait-il ? Qui parlait ? Comment étiez-vous ?
Déjouer le biais d’autorité, c’est aussi accepter qu’il agit souvent sans bruit, tapi dans le décor de nos automatismes.
Clé 2 : Mettez tout le monde à hauteur d’humain
Il est tentant de penser que certains ont accès à une vérité supérieure. Surtout quand ils ont un titre, une réputation, ou une voix assurée.
Mais rappel : chaque personne, même brillante, est traversée par les mêmes biais cognitifs que vous.
Astuce : En formation, j’invite souvent à imaginer son N+1 en pantoufles. L’effet est garanti. C’est un exercice de déconstruction mentale qui libère.
Déjouer le biais d’autorité, c’est aussi se rappeler que les titres sont des étiquettes. Pas des garanties de justesse.
Cas pratique #1 : Quand votre manager vous interrompt systématiquement* Je participe à un séminaire. On me confie la tâche d’expliquer un projet complexe. Je prépare, je structure, je m’applique. Mais dès que je prends la parole, le manager m’interrompt. Pas pour contredire, non : pour reformuler. À sa façon. À chaque phrase. Prétexte ? « C’est trop complexe, il faut que ce soit plus clair. » Résultat ? Je perds le fil, l’autorité implicite du manager noie mon propos, et je suis renvoyée à une posture d’élève maladroite. Ce que j’ai fait ? J’ai tourné la situation avec humour : « Je m’excuse, je pensais être claire, mais j’ai visiblement besoin d’un traducteur en chef. » La salle a ri, et le manager s’est calmé. Le lendemain, j’ai reçu des excuses. Cette scène illustre à quel point déjouer le biais d’autorité est nécessaire pour restaurer une communication fluide. Le manager ne voulait sans doute pas nuire, mais en s’imposant comme filtre obligatoire, il a étouffé le message. |
Clé 3 : Créez (ou proposez) des espaces sans hiérarchie
Parfois, ce n’est pas l’individu qui s’impose, mais le système. La réunion où tout le monde regarde la même personne. Le PowerPoint qu’on n’ose pas interrompre.
Et si on décidait, à certains moments, de poser les titres au vestiaire ?
Exemples concrets :
- Des brainstormings anonymisés (via post-its ou outils digitaux)
- Des tours de table inversés (on commence par les juniors)
- Des réunions « no chef day »
Astuce manager : Demandez explicitement des objections. La phrase magique ? « Qu’est-ce qui vous gêne dans ce que je propose ? »
Déjouer le biais d’autorité passe aussi par le design de nos réunions.
Clé 4 : Développez l’art du désaccord constructif
Contredire n’est pas trahir. C’est contribuer. Mais encore faut-il savoir comment.
Modèles de formulation :
- « Je vois les choses un peu autrement, je peux partager mon point de vue ? »
- « Et si on testait une autre option ? »
Exprimer une idée différente, ce n’est pas remettre en cause une personne. C’est enrichir la réflexion.
Cas pratique #2 : Quand vous heurtez votre chef par mégarde* Lors d’une réunion de brainstorming, la consigne est claire : chacun propose des idées sur des post-its, les classe, puis peut déplacer ceux des autres s’il les estime mal positionnés. Une dynamique censée être horizontale, neutre et collaborative. Sauf que dans ce groupe, ma cliente est la cheffe d’équipe. Elle pose une idée. Et moi, consultante externe, je déplace son post-it, sans savoir qu’il venait d’elle. L’ambiance se fige immédiatement. Exercice interrompu. Malaise. Que s’est-il passé ? Le biais d’autorité (associé ici à un biais de statut) a activé un réflexe défensif : comment ose-t-elle me corriger, moi ? L’idée n’a pas été jugée sur son fond, mais sur sa provenance hiérarchique. Clé de sortie : garder son calme, et réinterroger les règles du jeu de manière ouverte : « Est-ce qu’on peut reprendre l’exercice sans chercher qui a écrit quoi ? L’objectif, c’est d’enrichir nos idées, non ? » |
Déjouer le biais d’autorité, ici, c’est aussi faire preuve d’agilité relationnelle.
Clé 5 : Décelez le biais d’autorité… aussi quand c’est vous qui l’émettez
Ce biais est un boomerang. On le subit, mais on le provoque aussi. Sans le vouloir.
Avez-vous déjà remarqué que personne ne vous contredit ? Qu’une idée un peu faible est acceptée sans broncher ? Ce n’est pas toujours un signe de clarté. Parfois, c’est juste… de la crainte hiérarchique.
Astuce : Ralentissez avant de clore une discussion. Créez un espace où l’on peut contester votre point de vue. Posez la question que peu de managers osent poser : « Ai-je manqué quelque chose ? »
Déjouer le biais d’autorité, c’est aussi une affaire de posture managériale.
Le biais d’autorité n’est pas un ennemi
C’est le fondement de notre fabrication cérébrale quand le besoin primaire de survie (collective) cède le pouvoir à un individu réputé comme capable de favoriser la sécurité de tous.
Le biais d’autorité peut même être utile : dans une crise, on a parfois besoin de suivre une direction claire. Mais il devient nocif lorsqu’il se transforme en automatisme. Quand il empêche la pensée. Quand il bride la parole.
Le but n’est pas de rejeter l’autorité. Mais de la remettre à sa juste place : une voix parmi d’autres. Pas la seule.
Image mentale : Le biais d’autorité, c’est comme un GPS. Pratique, rassurant. Mais parfois, il vous fait prendre un détour inutile. Et vous, vous connaissez peut-être un raccourci que lui ignore.
Conclusion : Alors, prêts à déjouer le biais d’autorité quand cela est nécessaire ?
Quand avez-vous osé exprimer une idée face à une figure d’autorité ? Et qu’avez-vous ressenti ?
Ce n’est jamais facile. Mais c’est souvent libérateur.
Et si on apprenait à marcher à côté, plutôt que derrière ?
Pour aller plus loin, je vous recommande cet épisode de podcast : Biais cognitifs et management défaillant en réunion
*Ces scènes sont racontées plus en détail dans cet article : Biais inconscients en réunion : démarquez-vous