Mansplaining, quand les femmes doivent crier pour se faire entendre des hommes. Une illustration du sexisme au travail.
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Mansplaining et biais cognitifs, quand les hommes expliquent ce que les femmes savent déjà

Mansplaining : quand les biais cognitifs rendent muettes les femmes pendant que les hommes expliquent

Vous est-il déjà arrivé de vous faire couper la parole en pleine réunion, puis de voir votre idée reformulée par un homme et, cette fois, applaudie par l’assemblée ? Moi oui, souvent, bien trop souvent à dire vrai. C’est la définition même du mansplaining.

La première fois que j’ai entendu ce mot, j’ai levé les yeux au ciel. Encore un néologisme militant ! Puis j’ai repensé à toutes ces situations de communication au travail où mon expertise féminine a été gentiment invalidée par un collègue à peine informé, mais très sûr de lui. Comme beaucoup d’entre nous, j’ai souri. J’ai laissé passer en me disant que ça faisait partie des relations hommes-femmes. Et pire… j’ai douté de moi.

Aujourd’hui, je sais que ce n’était ni une coïncidence, ni une maladresse. C’était l’expression d’un système culturel, cognitif et professionnel dans lequel certains parlent fort, et d’autres s’éteignent.

🎯 Dans cet article, je vous propose de décoder le mansplaining, non comme un simple tic de langage, mais comme un symptôme puissant de biais cognitifs profondément enracinés. Et d’en comprendre les impacts sur la confiance en soi, les carrières, et l’égalité professionnelle.

Mecsplication : quand l’assurance masculine prend toute la place

Le mansplaining ou sa version francisée de plus en plus populaire : mecsplication (en québécois “pénispliquer” 🤣) désigne une situation familière à de nombreuses femmes : un homme explique quelque chose à une femme sans qu’elle l’ait demandé, sur un sujet qu’elle maîtrise déjà, parfois même mieux que lui.

Ajoutez-y une touche de condescendance masculine, et vous avez la recette parfaite.

Prenons un exemple. Une femme prend la parole en réunion pour exposer une idée. Quelques instants plus tard, un collègue masculin l’interrompt, répète ce qu’elle vient de dire, y ajoute une tournure plus affirmative, et récolte aussitôt l’approbation générale. Elle se tait, lui gagne du crédit. C’est une scène banale mais mécanisme complexe.

Derrière cette scène en apparence anodine se cache un mécanisme bien plus profond. Le mansplaining n’est pas qu’un comportement individuel mal calibré. C’est la manifestation d’un système de croyances et de réflexes mentaux partagés, nourris par des biais cognitifs invisibles et validés socialement.

Le mansplaining, miroir des biais cognitifs

Le mansplaining en réunion n’est pas un événement isolé, mais l’écho d’un écosystème de biais cognitifs et de stéréotypes inconscients :

  • Effet Matthieu : plus une personne est perçue comme compétente, plus on lui accorde de crédit… indépendamment de la qualité réelle de ses interventions.
  • Effet de halo : une apparence confiante ou une posture assurée suffit à induire l’idée de compétence..
  • Biais de confirmation : on croit ce qui conforte nos stéréotypes, par exemple, qu’un homme est plus légitime à diriger.

Et tout cela, sans intention malveillante. Ce sont des mécanismes cérébraux automatiques, nourris par notre culture.

Ces mécanismes n’ont rien de volontaire. Ils sont le produit d’un conditionnement cognitif et culturel. Mais leurs effets sont profonds : ils invisibilisent la parole féminine, minent la confiance en soi, freinent les trajectoires professionnelles, et favorisent un déséquilibre systémique de la reconnaissance.

Dunning-Kruger : quand la confiance prime sur la compétence

Ce qui se joue ici n’est pas simplement une question de mauvaise éducation ou d’interaction malheureuse. C’est l’effet d’un biais bien documenté : l’effet Dunning-Kruger, l’effet qui nous fait croire qu’on est bon quand on ne sait pas qu’on est mauvais. 

Ce biais cognitif peut toucher tout le monde. Mais il n’est pas distribué de manière égale.

Les recherches montrent qu’il est plus fréquemment exprimé et surtout validé chez les hommes. Cela ne signifie pas qu’ils sont “naturellement” plus confiants. Cela signifie que leur confiance est socialement valorisée. Quand une femme nuance, on entend un doute. Quand un homme affirme, on perçoit une compétence.

C’est là que les biais cognitifs croisent les normes sociales. Un homme qui s’avance avec aplomb, même approximativement, est souvent écouté. Une femme qui formule avec prudence est jugée hésitante, parfois peu sûre d’elle. On projette l’expertise sur la posture, pas sur le contenu.

Et c’est précisément là que se niche le cœur du sexisme au travail : dans cette confusion entre assurance et compétence.

Et si les biais cognitifs sous-tendaient toute une logique de confiance masculine dont le mansplaining n'était qu'un symptôme de leur sur-confiance

52% des hommes pensent pouvoir faire atterrir un avion, sans formation.

Oui, c’est le résultat d’une étude relayée récemment qui fournit ce chiffre frappant : 52 % des hommes interrogés aux États-Unis affirment pouvoir faire atterrir un avion de ligne en cas d’urgence, sans aucune formation. Rien que ça. Ils ne sont pas pilotes. Ils n’ont jamais touché un simulateur. Mais ils en sont persuadés. Et cette confiance démesurée a suffi pour faire le buzz. Pas pour susciter l’inquiétude. Elle a fait sourire, été partagée et finalement trouvé ça “fou mais pas si surprenant”.

C’est une anecdote virale, mais aussi une illustration brillante de l’effet Dunning-Kruger et un miroir de notre société, où la certitude masculine amuse, quand le doute féminin dérange.

Le résultat est un renforcement circulaire :

  • Celui qui parle fort gagne du crédit.
  • Celle qui doute perd en légitimité.

Et le mansplaining devient une simple illustration parmi d’autres de cette distorsion de la perception des compétences.

Ce que révèle finalement, vraiment, le mansplaining

Au fond, ce qu’on appelle mecsplication, ce n’est pas qu’un manque de politesse, c’est un révélateur d’inégalités systémiques :

  • On écoute plus ceux qui parlent fort.
  • On croit plus ceux qui ont l’air sûr d’eux.
  • On reconnaît moins l’expertise féminine, surtout quand elle s’exprime avec nuance.

Et tout cela entretient un cercle vicieux : les biais de genre renforcent la domination conversationnelle, qui affaiblit la parole des femmes, qui elles-mêmes finissent par s’auto-invalider.

Comment reconnaître le mansplaining ? Quelques signaux

  1. On vous interrompt souvent quand vous parlez.
  2. On vous explique votre propre domaine.
  3. Vous ressortez d’un échange avec un sentiment diffus d’invalidation.
  4. Vous avez l’impression qu’un homme a plus de crédit sur vos idées… juste parce qu’il les dit plus fort.

Que faire face au mansplaining ?

  1. Nommer le phénomène, c’est déjà commencer à le désamorcer.
  2. Réagir calmement mais fermement : “Merci, je connais bien le sujet, je l’ai étudié/travaillé en profondeur.”
  3. Créer des alliés : sensibiliser vos collègues, managers et RH aux biais de genre et à la discrimination au travail.

En tant que manager ou leader, il est crucial d’aménager des espaces où chacun peut s’exprimer sans être coupé, ni jugé selon son genre.

En conclusion : ne confondons plus assurance et compétence

Le mansplaining, ce n’est pas juste un mot qui pique, c’est une alarme sociale et cognitive. Il révèle à quel point nos interactions professionnelles sont influencées par des mécanismes cérébraux invisibles. Il souligne aussi l’importance de revaloriser la parole féminine et d’écouter avec attention plutôt qu’avec projection. Parce que transformer le monde du travail commence par écouter les bonnes personnes.

C’est un bon rappel au fond : comprendre les biais cognitifs, c’est se donner les moyens de mettre des mots sur ce qui nous freine, mais aussi sur ce qui, inconsciemment, empêche certaines voix de porter.

Aujourd’hui, je transmets ce que j’aurais aimé entendre plus tôt. Non pas pour pointer du doigt, mais pour ouvrir les yeux. Parce qu’on ne peut pas transformer ce qu’on ne voit pas.

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2 commentaires

  1. Super article, à la fois instructif et percutant !
    C’est fou comme ces biais peuvent s’infiltrer dans nos échanges sans qu’on s’en rende compte… J’en ai déjà été témoin, surtout en milieu pro. Merci pour cette mise en lumière claire et bien documentée

  2. J’ai lu avec grand intérêt ton article, qui m’a interpellé pour une raison singulière : j’ai toute ma vie travaillé dans un domaine majoritairement féminin (l’Education Nationale et plus spécifiquement l’école maternelle), et j’ai bien vécu le phénomène que tu décris, mais… à l’envers ! Dans une profession éminemment féminine, être un homme est perçu comme un signe d’incapacité à faire autre chose (j’ai eu droit à “Ce n’est pas un métier d’homme” et “tu aurais pu viser plus haut, non?”), y compris en interne. Ceci m’a valu à de multiples reprises d’avoir droit à de doctes explications de la part de collègues qui n’imaginaient pas un instant que j’avais, moi aussi, une vraie réflexion sur ma pratique. Comme quoi, selon le contexte, les “opprimés” ne sont pas toujours les mêmes.