Biais inconscients : Apprenez à vous démarquer en réunion !
Introduction : la réunion, carrefour des biais inconscients en entreprise
Les biais inconscients, notamment les biais de genre et d’autorité, sont des préjugés subtils et souvent involontaires qui influencent nos comportements et nos décisions. Ces biais se manifestent particulièrement en milieu professionnel, où ils peuvent perturber la dynamique des réunions. Ces points je les ai abordés dans le premier article de cette série : Comprendre les biais inconscients dans votre vie professionnelle.
Imaginez une réunion où vos idées sont constamment coupées, vos contributions ignorées et vos opinions dévaluées. Il m’a fallu du temps pour admettre que c’était et c’est encore ma réalité quasi-quotidienne. Mais surtout, il m’a fallu du temps pour l’admettre : je suis “victime” des biais de genre et d’autorité.
Alors, comme tout le monde, j’ai horreur d’être une victime mais il faut affronter le sujet. Car, loin d’être de simples perceptions, ces biais ont des impacts concrets et néfastes, tant sur les individus que sur les organisations.
Pour rappel: les définitions éclairées d’exemples
- Biais de genre : Jugement préconçu ou stéréotype basé sur le genre qui influence la manière dont nous percevons et interagissons avec les autres.
Exemples : Une femme est interrompue par un homme alors qu’elle présente une idée. L’étude de Kieran Snyder sur le manterrupting que j’ai déjà cité, montre que si les mauvaises habitudes de s’interrompre sont malheureusement trop présentes en réunion. Dans 70% des cas, les hommes qui interrompent, coupent la parole à des femmes. Et cette pratique contamine aussi les femmes qui s’interrompent entre elles à 87% alors qu’elles n’interrompent que très rarement des hommes 🙁
- Biais d’autorité : Tendance à accorder une importance démesurée aux opinions ou décisions des personnes perçues comme ayant un statut ou un pouvoir supérieur.
Exemples : Les idées d’un manager expérimenté sont automatiquement considérées comme meilleures, même si elles manquent de fondement. Un junior n’ose pas contredire un senior, même s’il détient une expertise plus fine sur le sujet. Combiner ces phénomènes au “rapport de force instinctif” évoqué dans le livre de Laurent Depond (« Intelligence relationnelle et inclusion » – page 96) et vous obtiendrez le biais du chef. Des collaborateurs sujets à la peur et qui préfèrent proposer ce qu’ils pensent ne moins contrarié leur hiérarchie.
Et les impacts psychologiques et organisationnels de ces situations sont aussi nombreux que logiques :
- Frustration, démotivation et sentiment d’injustice pour les victimes de biais.
- Moins de prise de parole des femmes et des minorités en réunion, limitant la diversité des points de vue.
- Décisions moins pertinentes et moins inclusives, pénalisant la performance collective.
- Mauvaise ambiance de travail et climat de défiance, nuisant à la cohésion d’équipe.
Cet article vous propose des outils et des stratégies concrètes pour comprendre les mécanismes des biais de genre et d’autorité en réunion. C’est notre éveil collectif qui pourra transformer en profondeur ces situations pour lesquelles j’insiste il faut surtout admettre qu’elles sont, dans leur immense majorité, inconscientes.
Partie 1 : Apprendre pour comprendre, expliquer et illustrer ces biais inconscients
Comprendre les mécanismes des biais inconscients est la première étape pour les démasquer et les contrecarrer. Il existe bien un arsenal d’exercices pratiques pour identifier les biais et aider à les déconstruire que vous pourrez suggérer à vos organisations quand elles seront mûres. Donc peut-être pas tout de suite 😉
Mais déjà, pour vous, et pour vous aider à vous projeter voici ce qui pourrait permettre d’avancer :
1.1. Exercices pratiques pour identifier et déconstruire les biais
- Analyse de situations :
- Objectif : Identifier les biais présents dans des situations de réunion concrètes.
- Déroulement : Distribuer aux participants des descriptions de situations de réunion fictives ou réelles. Demander aux participants d’identifier les biais de genre et d’autorité présents, d’analyser leurs impacts et de proposer des solutions alternatives.
- Outils : Grille d’analyse des biais, tableau de brainstorming.
- Jeux de rôle :
- Objectif : Expérimenter les effets des biais et s’entraîner à réagir de manière assertive.
- Déroulement : Organiser des mises en situation où les participants jouent le rôle de personnes victimes de biais et de personnes qui les observent. Inciter les participants à identifier les biais présents, à exprimer leurs ressentis et à tester différentes stratégies de communication assertive.
- Outils : Scénarios de jeux de rôle, fiches de conseils pour une communication assertive.
- Questionnaires :
- Objectif : Évaluer son propre niveau de sensibilité aux biais.
- Déroulement : Proposer aux participants de remplir des questionnaires d’auto-évaluation sur les biais de genre et d’autorité. Discuter des résultats en groupe et identifier des pistes d’amélioration individuelles.
- Outils : Questionnaires en ligne, tests d’auto-évaluation.
1.2. Cas d’étude pour illustrer la mise en pratique des concepts clés
Rien de tel que des cas concrets pour se projeter et être capable de sensibiliser et d’expliquer. Et comme ce travail, je le fais ici pour vous, je me permets de vous présenter quelques unes des situations auxquelles j’ai été confrontées
Cas 1 : Quand vous heurtez votre chef par mégarde !
- Situation :
Lors d’une réunion de brainstorming, la consigne : proposer des idées sur des post-it puis les placer dans le cadre dans lequel il s’appliquait le plus puis déplacer les post-its des autres que nous considérions comme n’étant pas dans le bon cadre.
Ma cliente, et donc la cheffe d’une équipe composée d’internes et de consultant(e)s, pose son post-it dans l’un des cadres.
Vous l’avez vu venir ? J’ai bougé son post-it 🙂
Le chef a toujours raison
- Analyse :
Biais de genre et d’autorité. L’idée de la “consultante” (pas de le femme dans ce cas précis) a été dévaluée car elle provenait d’une personne extérieure à l’équipe et d’une personne de moindre importance dans la hiérarchie établie.
- Solution :
Garder son calme et questionner l’autre pour dédramatiser la situation.
Cas 2: Quand votre manager vous interrompt systématique !
- Situation:
Lors d’un séminaire, on me demande de produire des éléments pour expliquer le périmètre d’un projet complexe. Lors de ma présentation orale, je suis constamment interrompue par le manager qui organise la réunion pour paraphraser mes propos avec ses mots prétextant de leur complexité.
- Analyse:
Biais d’autorité. Le manager a tendance à imposer ses idées et à ne pas prendre en compte les points de vue des autres. Plutôt que d’avoir exprimé ses doutes avant la réunion, il s’improvise “sous-titreur” pendant la présentation.
- Solutions:
Dans le cas présent, j’ai pris la situation avec humour et j’ai fini par m’excuser auprès de la salle puisque je n’étais apparemment pas “claire”.
- Effet n°1 : Les rires m’ont encouragée et ont limité les envies du manager de poursuivre dans ce sens.
- Effet n°2 : J’ai obtenu des excuses le lendemain.
Comprendre les biais de genre et d’autorité est donc la première étape pour les combattre. Je suis convaincue que le fait d’approfondir nos connaissances et de développer des approches concrètes peut permettre de créer un environnement de réunion plus inclusif et performant. Tout ça ne pourra évoluer que par petites touches.
Partie 2 : Soyons irréprochables pour ne plus être frustrés !
2.1. Mieux se préparer et mieux préparer les autres pour faire des réunions des espaces de discussion constructifs et ouverts
Pour contrer ces biais, la préparation est cruciale. Une préparation ponctuelle adéquate qu’est-ce que ça peut vouloir dire ?
- Soit vous vous préparez pour vous fabriquer la confiance nécessaire pour oser prendre la parole
- Soit vous préparer soigneusement la réunion et vous la structurer de manière à donner à chacun l’opportunité de s’exprimer.
Par exemple, avant une réunion, distribuez un ordre du jour détaillé et demandez à tous les participants de préparer leurs interventions à l’avance. Cela permet à chacun de venir préparé et de s’exprimer plus facilement.
On peut aussi prendre les choses en main pour s’améliorer de manière durable.
Les enjeux pour vous sont de deux natures :
- Oser s’imposer pour une communication égalitaire
- Prendre la parole avec assurance et impact
Vous devez vous fixez deux objectifs :
- Objectif n°1 : Adopter un langage assertif et impactant :
- Affirmer ses opinions et ses idées : « Je pense que… », « Je suis d’accord avec… », « Je propose que… ».
- Utiliser des phrases positives et affirmatives : « Je peux… », « Je suis capable de… », « Je suis convaincue que… ».
- Ne pas hésiter à reformuler ses propos : « Pour clarifier, je voulais dire que… »
- Objectif n°2 : Formuler des interventions claires et concises :
- Structurer son propos : Introduction, arguments clés, conclusion.
- Utiliser un langage simple et direct : Éviter le jargon et les termes techniques.
Une fois intégrés ces deux objectifs et les habitudes qui en découlent vous vous exprimerez avec confiance. La voix claire et assurée, la posture droite et le regard direct, autant de gages qui limiteront les tentatives de vous interrompre 😉
2.2. Posez des règles ou demandez à ce qu’elles soient posées
Établir des règles de conduite claires pour les réunions peut aider à réduire l’impact des biais. Par exemple, instaurer des tours de parole peut s’assurer que chacun ait la chance de s’exprimer, et demander explicitement aux participants de ne pas interrompre permet de maintenir un dialogue respectueux. En outre, désigner ou demander la désignation d’un facilitateur de réunion peut aider à modérer les discussions et à veiller à ce que toutes les voix soient entendues. Ce facilitateur peut également intervenir pour rappeler les règles de conduite si nécessaire.
Nous pouvons tous créer un cadre propice à des échanges constructifs et ouverts à tous
Vous en avez entendu parlé ou vécu, les techniques d’animation participatives pour des réunions dynamiques et inclusives. Les plus simples à mettre en place, suggérez :
- un tour de parole : Assurer que chacun ait l’opportunité de s’exprimer et d’être entendu.
- Avantages : Évite les monologues, favorise l’écoute mutuelle et garantit une participation équitable.
- Exemples : Tours de parole chronométrés, tours de parole aléatoires, tours de parole thématiques.
- un vote : Prendre des décisions collectives en tenant compte de l’avis de tous.
- Avantages : Permet de trancher rapidement et efficacement, favorise le consensus et renforce l’implication des participants.
- Exemples : Vote par points, vote par main levée, vote électronique.
Il peut être intéressant de doter le facilitateur d’outils pour favoriser une écoute active : entendre et comprendre pour mieux interagir
- Grilles d’observation : Évaluer sa propre capacité d’écoute et identifier les points d’amélioration.
- Exemples : Grille d’observation du langage corporel, grille d’observation de la reformulation, grille d’observation de l’attention.
- Techniques de reformulation : Vérifier la compréhension et reformuler les propos des autres pour faciliter le dialogue.
- Exemples : Reformulation simple, reformulation par clarification, reformulation par synthèse.
L’homme comme l’organisation pense être juste tant qu’il / elle n’a pas été confronté(e) à un retour chiffré et factuel. Il peut-être intéressant de suggérer le test pour favoriser la prise de conscience individuelle et collective.
Alors, je peux imaginer votre scepticisme en lisant ces lignes mais encore une fois qui dit “biais inconscients”, dit qu’il n’y a pas d’objectif caché et malveillant mais bien une grande maladresse liée à la méconnaissance. Ne pas culpabiliser est la clé. La machine à café et la cantine doivent devenir les moments clés de l’éveil auquel vous allez contribuer activement !
Partie 3 : Posez des mots pour contribuer à éclairer vos collègues
3.1. Ne culpabilisez personne mais éclairez les situations ambiguës
Lorsque vous observez des biais en action, il est important d’en parler de manière constructive. Plutôt que de blâmer, décrivez les situations de manière factuelle et proposez des alternatives. Par exemple, si vous remarquez qu’une idée exprimée par une collègue a été ignorée puis répétée par un homme et valorisée, faites remarquer cette dynamique.
Dites quelque chose comme : « Je pense que Marie avait déjà proposé cette idée. Peut-être pourrions-nous l’écouter plus en détail ? ». Cela permet de mettre en lumière le biais sans accuser directement les individus.
3.2. Imposez-vous : attendez le bon moment pour intervenir mais ne vous taisez plus !
Il est essentiel de ne pas se taire face aux biais. Attendez le bon moment pour intervenir, mais faites entendre votre voix. Cela peut signifier soutenir un collègue qui est interrompu ou souligner l’importance de considérer toutes les idées de manière équitable.
Si vous êtes témoin d’une interruption fréquente, vous pouvez dire : « Pardon, mais je crois que Claire n’avait pas fini son point. Pourrions-nous lui permettre de continuer ? ». De même, si vous avez une idée à partager, assurez-vous de prendre la parole avec assurance, en vous appuyant sur des faits et des arguments solides pour renforcer votre crédibilité.
Apprenez à vous affirmer avec bienveillance cela amènera les autres à le faire aussi !
Le secret est bien d’intégrer deux éléments clés – et pardonnez-moi si vous trouvez que je radote :
- La situation ne se joue pas contre nous mais elle se joue dans les mécanismes de pensée de nos cerveaux entre survie individuelle ou collective, adaptation ou émotion.
- Commencez toujours vos phrases par “je” et non pas par “tu” ou “vous”. Votre message sera toujours accepté puisqu’il n’impliquera pas une forme d’accusation.
Et maintenez le cap sur vos objectifs :
- Gérer ses émotions: Prendre le temps de réfléchir avant de parler, respirer profondément, rester calme.
- Désamorcer les situations conflictuelles: Reformuler les propos agressifs, utiliser l’humour, faire preuve d’empathie.
- Communiquer avec respect: Écouter attentivement les autres, éviter les interruptions, utiliser un ton neutre et bienveillant.
Conclusion : tous acteurs pour déjouer les biais inconscients
En résumé, en comprenant et en reconnaissant les biais inconscients, nous pouvons mieux nous préparer, poser des règles claires et intervenir de manière constructive pour créer des environnements de travail plus inclusifs et efficaces. En tant qu’individus et entreprises, nous avons tous un rôle à jouer pour démasquer les biais et promouvoir une culture d’inclusion.
Chacun d’entre nous peut agir à son échelle pour faire avancer la cause de l’inclusion.
Quelles sont vos missions désormais 🙂 :
- Prenez conscience de vos propres biais.
- Servez-vous des conseils présentés ici pour encourager une communication inclusive dans vos réunions.
- Sensibilisez vos collègues et votre manager aux enjeux des biais.
Ensemble, nous pouvons créer un monde professionnel plus juste, plus inclusif et plus performant, où chacun peut s’exprimer librement et contribuer pleinement à la réussite collective.
N’hésitez pas à partager cet article et à en discuter avec vos proches et vos collègues. Plus nous serons nombreux à nous mobiliser, plus vite le changement se produira !
Merci pour votre lecture.