Managers débordés : Les clés du lâcher prise en management

lâcher prise en management

Retrouvez cet article dans mon podcast : Épisode 19 sur Spotify, Amazon Prime, Deezer.

Introduction : Le mythe du manager infaillible

« Si je ne le fais pas, personne ne le fera. » « Je suis responsable du bon fonctionnement de mon équipe, alors je dois tout vérifier. » « Lâcher prise ? Facile à dire, mais si quelque chose tourne mal, ce sera sur moi. »

Ces pensées, de nombreux managers les connaissent. Porté(e) par la volonté de bien faire, par l’envie d’assurer la performance de son équipe et de répondre aux attentes de l’entreprise, on en vient à tout prendre en charge. Trop. Jusqu’à l’épuisement. Cette sur-responsabilité, souvent vue comme une preuve de professionnalisme et d’engagement, finit par se retourner contre soi et contre l’équipe.

Mais pourquoi avons-nous tant de mal à lâcher prise en management ? Quelles croyances et quels biais nous enferment dans ce rôle du « manager super-héros » ? Et surtout, comment retrouver un équilibre entre engagement et sérénité, sans culpabiliser ?

Cet article explore :

  • Les biais cognitifs qui alimentent la sur-responsabilité et minent la confiance,
  • Les limites du « tout porter » et l’impact sur soi et son équipe,
  • Des stratégies concrètes pour redéfinir son rôle, déléguer intelligemment et lâcher prise sans culpabiliser.

Car un bon manager n’est pas celui qui fait tout, mais celui qui sait mobiliser les bonnes ressources au bon moment.

1. Comprendre la sur-responsabilité : Pourquoi avons-nous du mal à lâcher prise en management ?

1.1. Les biais cognitifs qui entretiennent la sur-responsabilité

Nos décisions et nos comportements sont largement influencés par des biais cognitifs, des raccourcis mentaux qui, bien que parfois utiles, peuvent aussi nous enfermer dans des schémas inefficaces. En matière de management, certains biais entretiennent un sentiment de sur-responsabilité, empêchant de lâcher prise et de faire confiance à son équipe.

1.1.1. Le syndrome de l’imposteur : « Si je délègue, on verra que je ne suis pas à la hauteur »

Ce biais touche de nombreux managers, qui doutent de leur propre légitimité malgré leurs compétences et leurs réussites. Plus ils gravissent les échelons, plus ils ressentent le besoin de prouver leur valeur en s’investissant excessivement. Résultat : ils hésitent à déléguer, par peur d’être perçus comme incompétents ou inutiles.

1.1.2. Le biais égocentrique : « Si ça marche, c’est grâce à moi »

Nous avons naturellement tendance à attribuer les succès à nos propres actions et à minimiser l’impact des autres. Un manager surchargé peut penser que la réussite d’un projet repose uniquement sur ses épaules, ce qui l’empêche de faire confiance à son équipe et de répartir la charge de travail.

1.1.3. Le biais d’autorité : « Un vrai leader doit toujours tout maîtriser »

L’influence des modèles de leadership traditionnels peut enfermer les managers dans une vision rigide du rôle de leader. Si leurs référents ou mentors valorisaient le contrôle absolu et l’implication totale, ils auront du mal à concevoir un management plus collaboratif et à accepter l’idée de lâcher prise.

1.1.4. Le biais de confirmation : « Chaque erreur des autres prouve que je dois tout gérer moi-même »

Lorsque l’on croit que les autres ne sont pas capables de bien faire sans notre intervention, on finit par ne voir que les erreurs qui confirment cette croyance. Ce biais pousse les managers à reprendre systématiquement la main sur les projets, renforçant ainsi leur propre surcharge de travail et limitant le développement de leurs collaborateurs.

Comprendre ces biais est une première étape essentielle pour sortir du piège de la sur-responsabilité. L’étape suivante consiste à analyser les conséquences concrètes de cette surcharge, tant pour le manager que pour son équipe. Pour aller plus loin sur cette réflexion, découvrez l’article Le leadership présent : une méthode simple pour les managers qui explore comment nos biais influencent notre posture de leader et comment adopter une approche plus équilibrée.

1.2. L’impact de la sur-responsabilité sur le manager et son équipe

Prendre trop de responsabilités ne nuit pas seulement au manager, mais impacte également toute l’équipe et l’environnement de travail. Cette charge excessive entraîne plusieurs conséquences négatives :

1.2.1. L’épuisement mental et physique du manager

  • Stress chronique et fatigue accumulée : Selon une étude de l’APEC (2022), 65 % des managers estiment avoir une charge de travail insurmontable, et 62 % ressentent une forme d’épuisement professionnel.
  • Difficulté à prendre du recul : Le stress chronique altère la capacité à penser stratégiquement et à prendre des décisions éclairées.
  • Moins de temps pour des tâches stratégiques et créatives : Les tâches opérationnelles prennent le dessus sur la réflexion à long terme, réduisant l’innovation managériale.

1.2.2. Une équipe sous-exploitée et dépendante

  • Diminution de l’autonomie et de l’initiative : Un management trop centralisé entraîne une démotivation et une baisse de la collaboration.
  • Frein au développement des compétences : Les collaborateurs ayant peu d’opportunités de prise de décision stagnent professionnellement.
  • Risque d’infantilisation : Une surcharge du manager empêche les équipes de gagner en autonomie, renforçant une dépendance à l’encadrement.

1.2.3. Une dynamique de travail déséquilibrée

  • Climat de tension et surcharge des validations : Une centralisation excessive des décisions crée des frictions internes et réduit la fluidité des processus.
  • Démotivation progressive : Un manque d’autonomie et de confiance impacte la satisfaction et la rétention des employés.

Prendre conscience de ces impacts est essentiel pour enclencher un changement de posture. Un management équilibré ne signifie pas un désengagement, mais un meilleur partage des responsabilités afin d’assurer un fonctionnement plus sain et durable pour tous.

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2. Reprendre le contrôle sans tout porter

2.1. Redéfinir son rôle : manager ne signifie pas tout faire soi-même

L’une des principales croyances qui enferment les managers dans la sur-responsabilité est l’idée que leur valeur repose sur leur capacité à tout gérer eux-mêmes. Or, un bon manager ne se mesure pas à la quantité de tâches qu’il exécute, mais à l’impact qu’il génère en mobilisant les ressources adéquates.

2.1.1. Accepter que déléguer, ce n’est pas perdre son utilité

Beaucoup de managers perçoivent la délégation comme une perte de contrôle ou une preuve d’incompétence. Pourtant, les leaders les plus performants sont ceux qui savent s’appuyer sur leur équipe pour atteindre des objectifs ambitieux. Un manager efficace ne doit pas être un exécutant omniprésent, mais un chef d’orchestre qui harmonise les efforts de chacun.

2.1.2. Faire le deuil du manager omniscient

Aucun leader ne peut tout savoir ni tout maîtriser. Les organisations évoluent, les expertises se diversifient et les compétences techniques se renouvellent constamment. Accepter que son rôle est avant tout d’accompagner et d’orienter plutôt que de tout contrôler permet de mieux répartir les responsabilités et d’éviter l’épuisement.

2.1.3. Se recentrer sur ses missions essentielles

Plutôt que d’être accaparé par l’opérationnel, un manager doit définir les tâches à forte valeur ajoutée qui relèvent réellement de son rôle :

  • Fixer une vision et des objectifs clairs, plutôt que de se perdre dans les détails quotidiens.
  • Créer un environnement propice à l’autonomie et à la performance, en donnant aux collaborateurs les moyens de réussir par eux-mêmes.
  • Prendre du recul pour anticiper et innover, au lieu d’être constamment absorbé par l’urgence.

Se redéfinir en tant que facilitateur plutôt qu’exécutant permet non seulement de réduire la charge mentale, mais aussi de renforcer l’efficacité et la motivation de l’équipe.

En ancrant cette approche, le manager transmet à son équipe une vision plus réaliste et actionnable du travail collectif, tout en favorisant l’engagement et l’efficacité opérationnelle.

2.2. Identifier ce qui dépend vraiment de soi

Une fois le rôle du manager clarifié, il devient essentiel d’identifier ce qui relève réellement de son champ d’action. Se focaliser sur ce que l’on peut influencer permet d’optimiser son efficacité sans s’épuiser inutilement.

2.2.1. Appliquer la matrice d’Eisenhower au management

La matrice d’Eisenhower, utilisée pour prioriser les tâches, peut être adaptée à la gestion d’équipe :

  • Ce qui dépend de moi : Vision, décisions stratégiques, accompagnement des équipes.
  • Ce que je peux influencer : Développement des compétences, amélioration des processus, dynamique d’équipe.
  • Ce que je dois lâcher : Perfectionnisme, reconnaissance externe, validation de chaque détail opérationnel.
Matrice D'einsehower

En répartissant ainsi ses responsabilités, le manager concentre son énergie sur ce qui a un réel impact.

2.2.2. Se détacher des facteurs incontrôlables

Nombre de sources de stress proviennent d’éléments hors de notre contrôle (décisions de la direction, réactions des clients, changements de marché). Apprendre à accepter ces variables et à se concentrer sur des actions concrètes permet de réduire la surcharge mentale et d’adopter une posture plus sereine.

2.2.3. Définir les objectifs de l’équipe selon son propre cercle d’influence

Cercle d'influence, cercle de préoccupation de Steven COVEY
Cercle d’influence, cercle de préoccupation de Steven COVEY

Un manager qui comprend qu’il ne peut agir efficacement que sur son cercle d’influence doit appliquer le même principe à son équipe. En clarifiant ce qui est réellement sous leur contrôle, il évite une dispersion d’énergie sur des facteurs externes et encourage une approche plus pragmatique.

  • Cartographier les zones d’influence de l’équipe : Identifier ce que l’équipe peut directement décider, ce qu’elle peut influencer et ce qui échappe totalement à son contrôle.
  • Adapter les objectifs en conséquence : Fixer des objectifs atteignables en fonction des ressources et des marges de manœuvre réelles.
  • Responsabiliser chaque membre : Clarifier les rôles et donner à chacun une autonomie cohérente avec son périmètre d’action.
  • Favoriser une posture proactive : Encourager l’équipe à se concentrer sur ce qu’elle peut réellement améliorer plutôt que de subir les contraintes extérieures.

En savoir plus, Femmes et Managers : 3 clés pour sortir de la spirale du jugement

3. Passer à l’action : Lâcher prise en management intelligemment

Comprendre l’origine de la sur-responsabilité et identifier ce qui relève réellement du rôle du manager ne suffisent pas. La dernière étape est d’adopter des actions concrètes pour un lâcher prise en management efficace et durable, sans culpabiliser.

3.1. Apprendre à déléguer avec confiance

Déléguer ne signifie pas abandonner, mais redistribuer la charge de manière efficace pour libérer du temps et de l’énergie sur ce qui compte réellement.

  • Identifier les tâches déléguables : Toutes les responsabilités ne nécessitent pas l’intervention directe du manager. Certaines tâches opérationnelles ou répétitives peuvent être confiées aux membres de l’équipe.
  • Clarifier les attentes : Une délégation réussie repose sur des consignes précises et des objectifs clairs. Définir le niveau d’autonomie attendu et fournir les ressources nécessaires est essentiel.
  • Faire confiance et accepter l’imperfection : Déléguer implique de laisser place à des approches différentes. Accepter que les collaborateurs puissent faire différemment – et parfois moins bien au départ – permet de les responsabiliser et de favoriser leur montée en compétences.

3.2. Modifier son rapport à la performance et au contrôle

Un bon manager n’est pas celui qui contrôle chaque détail, mais celui qui permet à son équipe de fonctionner de manière autonome et performante.

  • Passer du contrôle au suivi : Remplacer la micro-gestion par des points d’étape réguliers où l’équipe partage ses avancées et ses besoins.
  • Valoriser les progrès, pas seulement les résultats : Encourager les initiatives et reconnaître les efforts aide à instaurer une dynamique de responsabilisation.
  • Accepter l’échec comme un levier d’apprentissage : Un management bienveillant permet aux collaborateurs d’expérimenter, d’apprendre et de s’améliorer sans crainte excessive des erreurs.

3.3. Instaurer des routines de lâcher-prise en management

Lâcher prise en management ne se fait pas du jour au lendemain. Mettre en place des habitudes qui favorisent cette transition permet d’éviter de retomber dans le piège de la sur-responsabilité.

  • Pratiquer la revue hebdomadaire des responsabilités : Analyser chaque semaine ce qui relève réellement du rôle du manager et ce qui pourrait être confié à l’équipe.
  • Se ménager des temps de recul : Intégrer des plages horaires sans réunion ni sollicitation immédiate pour réfléchir, planifier et prendre de la hauteur.
  • Encourager une culture de l’autonomie : Créer un environnement où chaque membre se sent légitime pour prendre des initiatives et résoudre des problèmes sans validation systématique.

Conclusion : Manager, vivez mieux en adoptant un lâcher prise en management efficace.

Enfin, au-delà des actions concrètes, lâcher prise nécessite une évolution profonde de la posture managériale :

  • Prendre conscience que l’on ne peut pas tout maîtriser : Accepter l’incertitude et se concentrer sur l’essentiel.
  • S’autoriser à ne pas être parfait : Le manager n’a pas à tout savoir ni à tout gérer, et reconnaître ses propres limites est une force.
  • S’entourer de soutiens et de mentors : Partager ses défis avec d’autres managers ou bénéficier de conseils externes aide à relativiser et à progresser.

Lâcher prise en management, ce n’est pas se désengager, mais réapprendre à manager autrement. C’est créer un cadre dans lequel l’équipe fonctionne avec plus d’autonomie, tout en conservant un équilibre entre performance et bien-être.

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter l’article Passer à l’action sans procrastiner : le guide ultime, qui propose des outils concrets pour agir plus efficacement tout en réduisant la charge mentale.

Autres sources :

  1. APEC (2022). Santé mentale des managers. verbateam-services.fr
  2. Crestcom (2024). Stress au travail et leadership. crestcom.com
  3. Talkspirit. Performance et management. talkspirit.com
  4. Devop.pro. Impact des styles de management. devop.pro
  5. CrossKnowledge. Culture de responsabilisation. crossknowledge.com
  6. The Times. Stress et motivation en entreprise. thetimes.co.uk

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6 commentaires sur « Managers débordés : Les clés du lâcher prise en management »

  1. Jongler entre les responsabilités et le stress quotidien peut parfois sembler être un numéro d’équilibriste. Les clés du lâcher-prise présentées ici sont non seulement pratiques, mais aussi profondément nécessaires pour notre bien-être mental. C’est important de déléguer et faire confiance à son équipe, tout en gardant le cap sur nos objectifs. Merci pour ce guide précieux qui nous encourage à prendre du recul et à aborder le management avec sérénité et confiance.

  2. Merci Sophie pour ce nouvel article éclairant. En mettant en évidence des schémas tels que le syndrome de l’imposteur ou le biais d’autorité, tu offres des clés pour comprendre pourquoi nous, managers, avons parfois du mal à déléguer. Ton approche me rappelle l’importance de faire confiance et de reconnaître que partager les responsabilités peut renforcer la cohésion et l’efficacité collective. Merci encore pour ce partage enrichissant.

  3. J’ai particulièrement apprécié l’approche pragmatique et les conseils concrets qui permettent de sortir du piège du contrôle excessif. Un rappel essentiel que l’efficacité ne passe pas par l’hypercontrôle, mais par la confiance et l’autonomie ! 🚀👏

  4. Un exercice très difficile mais ton article propose vraiment des solutions concrètes ! 🙏 A partager en masse !

  5. J’ai adoré l’analyse des biais cognitifs qui nous poussent à vouloir tout contrôler, en particulier le biais de confirmation ! On se retrouve vite à ne voir que les erreurs des autres et à renforcer notre propre surcharge… Une vraie prise de conscience. Merci pour cet éclairage ! 👏

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