Et si la procrastination n'était pas de la paresse mais un biais cognitif : le biais du présent ou l'actualisation hyperbolique
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Procrastination et biais cognitifs, si je vous dis que procrastiner c’est normal

Vous avez sans doute déjà vécu cette situation : une to-do list prête, des objectifs clairs, une envie sincère d’avancer… et pourtant, vous vous surprenez à scroller, ranger vos stylos ou lancer un deuxième café. Ce petit moment où « on s’y met dans 10 minutes » devient une heure. Ou une journée. Et si je vous disais que vous être programmé pour la procrastination chronique ? Qu’il y a bien un des biais cognitifs qui vous empêche d’agir pour votre bien à long terme tant vous êtes concentré sur votre bien à court terme. Oui, maintenant vous pourrez dire : “ça n’est pas moi, c’est mon biais du présent ou ma tendance à l’actualisation hyperbolique” 

Ce mécanisme mental nous pousse à choisir un petit plaisir immédiat plutôt qu’un bénéfice futur plus important. Autrement dit, on fait des choix à court terme au détriment de notre bien-être à long terme.

Dans cet article, on va :

  • Comprendre : qu’est-ce que la procrastination (et pourquoi elle ne traduit pas un manque de discipline) 
  • Explorer ses conséquences sur la motivation, la productivité et la vie professionnelle
  • Découvrir des stratégies concrètes pour passer à l’action sans procrastiner, même quand c’est difficile

Qu’est-ce que la procrastination ? 

La définition de la procrastination est simple : c’est le retard volontaire d’une action, même lorsqu’on sait que ce report aura des conséquences négatives. C’est un écart entre ce qu’on veut faire et ce qu’on fait réellement.

Ce comportement trouve son origine dans le biais du présent, et plus précisément dans un phénomène appelé actualisation hyperbolique. Notre cerveau valorise davantage une récompense immédiate, même minime, qu’une récompense future pourtant plus grande. Résultat : nous remettons à plus tard les actions importantes (sport, budget, dossier à terminer) en choisissant le confort de maintenant.

Cela provoque ce que la psychologie comportementale appelle des incohérences temporelles :

  • Ce que j’avais décidé hier ne correspond plus à ce que je ressens aujourd’hui.
  • Ce que je repousse aujourd’hui, je le regretterai demain.

C’est ce décalage permanent qui explique pourquoi on procrastine, encore et encore.

Pourquoi procrastinons-nous ? (Et pourquoi ce n’est pas de la paresse)

Notre cerveau n’est pas programmé pour planifier l’avenir mais pour gérer le présent. Historiquement, prendre des décisions irrationnelles à long terme aurait été dangereux. Il valait mieux manger tout de suite que de risquer de manquer plus tard.

Aujourd’hui, ce réflexe de survie nous joue des tours. Le biais du présent nous pousse à différer les efforts et à céder à la gratification immédiate : un e-mail lu, une notification ouverte, un épisode regardé. Et plus une tâche semble floue, complexe ou désagréable, plus le cerveau choisit l’évitement.

Autre facteur : notre difficulté à reconnaître nos victoires. Quand les efforts ne sont pas suivis d’une récompense claire, notre motivation chute. Ne pas valoriser ses progrès entretient un cercle vicieux de retard volontaire et de démotivation.

La procrastination au travail : faire beaucoup, mais jamais ce qu’il faut vraiment.

Procrastination au travail : un poison silencieux

Dans le monde professionnel, la procrastination au travail a des effets souvent sous-estimés :

  • On priorise les tâches urgentes au détriment des priorités stratégiques
  • On reporte les dossiers complexes jusqu’à ce qu’ils deviennent des urgences à haut stress
  • On nuit à la productivité et à la gestion du temps
  • On alimente la culpabilité, voire le sentiment d’illégitimité

Paradoxalement, certains tombent dans la procrastination active : faire beaucoup, mais jamais ce qu’il faut vraiment. Une illusion d’efficacité qui masque la peur du résultat.

En résumé : procrastination et productivité ne font pas bon ménage. Mais la solution ne passe pas par la rigueur, plutôt par une compréhension fine de notre fonctionnement mental.

Vie personnelle : quand les choix immédiats sabotent nos objectifs

La procrastination et le cerveau sont intimement liés. Nos décisions quotidiennes traduisent souvent des choix à court terme :

  • Commander au lieu de cuisiner
  • Scroller au lieu de dormir
  • Repousser le sport, la lecture, ou un rêve personnel

Ces petits décalages créent une incohérence entre nos valeurs et nos actes, entraînant frustration et perte de confiance. Souvent, on procrastine parce qu’on ne reconnaît pas ses gains : chaque petit pas est minimisé, donc moins motivant.

Comment arrêter de procrastiner (sans se fouetter)

La bonne nouvelle ? On peut vaincre la procrastination sans discipline militaire. Voici quelques leviers simples, validés par la psychologie comportementale :

1. Rendre le futur concret

Visualiser les bénéfices futurs rend l’objectif plus proche et plus désirable. Imaginez la fierté d’avoir fini cette tâche, la légèreté du “c’est fait”. Associez chaque objectif à un état d’esprit futur précis.

2. Fractionner et récompenser

Découpez vos grands projets en micro-actions : une page, un appel, un pas. Chaque micro-décision contre la procrastination renforce votre sentiment d’avancer. Et célébrez vos mini-victoires. Ce geste nourrit la motivation.

3. Revoir vos règles internes

Ce qu’on appelle souvent “discipline” n’est pas une qualité morale, mais une programmation mentale. Si vous associez effort = punition et plaisir = instantané, le combat est perdu. Réécrivez vos codes internes. Apprenez à prendre plaisir au processus.

4. Créer des boucles d’engagement

Laissez des rappels visibles. Engagez-vous avec un binôme ou publiquement. Décidez à l’avance, pendant que votre futur vous est encore motivé, de ce que fera votre “vous du présent”. C’est une manière douce mais puissante de passer à l’action sans procrastiner.

En conclusion : procrastiner, ce n’est pas être faible, c’est être humain

La procrastination n’est pas un échec de discipline, c’est une erreur de perception temporelle. Un biais cognitif hérité d’un cerveau ancien, plus sensible au plaisir immédiat qu’aux bénéfices futurs. Mais comprendre ce mécanisme, c’est déjà s’en libérer.

Alors, au lieu de vous juger, observez vos choix : pourquoi votre “vous d’aujourd’hui” ne soutient-il pas votre “vous de demain” ? Et si la vraie discipline, finalement, c’était de se comprendre pour mieux agir ?

Pour aller plus loin

Écoutez l’épisode 45 du podcast Les Biais dans le Plat : L’actualisation hyperbolique ou le biais du présent qui fait de nous des procrastinateurs chroniques sur Spotify, Apple, Deezer ou Amazon Music.

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