Auteur/autrice : morth.sophie

La peur du changement : comprendre le biais de statu quo et pourquoi on reste coincé malgré nous

Vous avez déjà eu cette impression ? Celle d’être lucide sur ce qui ne vous convient plus… mais de continuer quand même ? Vous savez que certaines choses devraient changer, mais vous hésitez, différez, temporisez. Vous avez peur du changement…Vous vous dites : « Ce n’est pas si mal ». Et surtout : « On a toujours fait comme ça« .

Ce n’est pas de la paresse, ni un manque de volonté. C’est un biais cognitif. Et il a un nom : le biais de statu quo.

La peur du changement et le biais de statu quo : une alliance paralysante

Le biais de statu quo est notre tendance naturelle à préférer ce qui est déjà en place, simplement parce que c’est ce que l’on connaît. Même quand une meilleure alternative est disponible, nous avons tendance à rester dans la situation actuelle. Pourquoi ? Parce que notre cerveau perçoit la nouveauté comme un risque, et surestime les bénéfices à rester dans la continuité.

Ce comportement automatique est souvent renforcé par ce qu’on appelle l’effet Einstellung : une tendance à continuer à utiliser une méthode familière, même quand elle n’est plus adaptée. On agit par habitude, pas par pertinence. On persiste dans des solutions anciennes, simplement parce qu’elles ont déjà fonctionné. Et cela nous empêche souvent de voir des alternatives plus adaptées, plus légères, plus justes.

Pourquoi ce biais alimente notre peur du changement ?

Parce qu’il est silencieux, insidieux, validé socialement. Il ne provoque pas de crise, il produit de la stagnation. On continue comme avant. On reste dans des environnements qui nous fatiguent, mais qu’on sait gérer. Et plus on attend, plus le changement semble lointain, incertain, potentiellement dangereux.

Le biais de statu quo agit souvent comme une logique de pilotage automatique. Et il rend difficile ce moment si important : celui où l’on devrait à nouveau choisir en conscience. Il nourrit une forme de paralysie douce, un décalage entre la clarté de ce qu’on ressent et l’impossibilité d’agir en cohérence.

Autrement dit, on ressent la nécessité du changement… mais on reste figé.

Comment réduire l’emprise du biais de statu quo ?

Voici quelques pistes pour desserrer l’étau et amorcer un véritable mouvement :

  • Identifier les routines mentales : Qu’est-ce que je fais aujourd’hui simplement parce que je l’ai toujours fait ? Est-ce encore pertinent ou juste rassurant ?
  • Se poser la question du choix vierge : Est-ce que je referais ce choix aujourd’hui, avec tout ce que je sais maintenant ?
  • Expérimenter à très petite échelle : Et si je testais une autre manière de faire, une seule fois, sans engagement ?
  • Confronter les pertes invisibles : Qu’est-ce que je crois risquer en changeant ? Et qu’est-ce que je suis en train de perdre en restant ? Temps, énergie, élan, estime ?
  • Sortir de l’immobilisme en créant du mouvement : Le but n’est pas de tout bouleverser mais de sortir de la logique du « je laisse comme c’est », en prenant une position même infime.

Ces simples décalages permettent de sortir du réflexe et de recontacter sa marge de choix, là où la peur du changement avait installé un automatisme invisible.

Une situation vécue en entreprise

J’ai observé ce biais à l’œuvre très concrètement dans une ancienne équipe que j’accompagnais. Un processus interne nous faisait perdre un temps fou chaque mois : des validations en cascade, des outils mal synchronisés, et une absence totale de visibilité collective. Tout le monde le savait. Tout le monde le reconnaissait. Mais à chaque fois qu’on évoquait l’idée de changer les choses, la même phrase revenait : « On a toujours fait comme ça. »

Ce qui m’a marquée, c’est que l’inconfort n’était pas nié mais il semblait plus acceptable que l’incertitude liée à un changement de méthode. On préférait continuer à perdre du temps plutôt que de prendre le risque de faire autrement.

C’est là que j’ai vu, en direct, à quel point le biais de statu quo peut neutraliser une intelligence collective pourtant lucide. Ce n’est pas l’ignorance qui bloque : c’est l’inertie mentale face à ce qui est nouveau, même quand ce nouveau est objectivement meilleur. Cela faisait des mois que je sentais que mon rythme de travail ne me convenait plus, que mes journées s’enchaînaient dans une forme d’automatisme épuisant. Pourtant je résistais à l’idée de changer ma manière d’organiser mes semaines.

Je me disais : « C’est comme ça que je fonctionne depuis des années, pourquoi remettre ça en question maintenant ? » Et puis un jour, j’ai pris conscience que je n’étais pas en train de choisir ce rythme : j’étais simplement en train de le reconduire par défaut. J’ai alors décidé d’expérimenter autre chose, juste pour voir. Et ce petit ajustement m’a redonné un sentiment de maîtrise et de liberté. C’est là que j’ai compris à quel point le biais de statu quo pouvait m’empêcher d’évoluer, même sur des choses que je croyais “fonctionnelles”.

En conclusion

Le biais de statu quo ne se combat pas par la force. Il se contourne par la conscience et par le mouvement, même minime. Ce n’est pas l’audace qui manque. C’est l’espace pour envisager autre chose. Le plus souvent, ce qui nous bloque n’est pas l’obstacle… mais l’habitude de ne plus regarder autour.

Et parfois, ce qui débloque tout, c’est juste de remettre en question une phrase : « On a toujours fait comme ça ».

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En savoir plus sur ce thème : 

Sortir de sa zone de confort : pourquoi est-ce si difficile (et comment notre cerveau nous piège) ?

On le sait. Sortir de sa zone de confort, ce n’est pas un concept théorique ou un mantra de développement personnel. C’est une vraie tension intérieure. Celle que l’on ressent quand on sait que quelque chose ne nous convient plus… mais que l’on reste quand même.

Rester dans une relation vide, dans un poste sans saveur, dans une routine usante. Par peur, loyauté ou inertie.

Ce comportement n’est pas un manque de courage. C’est souvent le résultat d’un biais cognitif puissant : le biais d’aversion à la perte.

Le biais d’aversion à la perte : le véritable piège qui empêche de sortir de sa zone de confort

Formalisé par les psychologues Daniel Kahneman et Amos Tversky, le biais d’aversion à la perte désigne notre tendance naturelle à accorder plus de poids aux pertes qu’aux gains équivalents. Autrement dit, nous préférons ne rien gagner que de risquer de perdre ce que nous avons.

C’est ce mécanisme invisible qui nous pousse à rester dans un environnement qui ne nous épanouit plus. À résister à un changement qui nous attire, simplement parce qu’il implique de lâcher quelque chose — même si ce quelque chose n’a plus de valeur réelle.

C’est le “oui mais…” qui surgit à chaque fois qu’on pense à sortir de sa zone de confort :  à démissionner, partir, oser dire non ou tout recommencer. Oui mais… et si je le regrettais ? Et si je perdais ce que j’ai mis des années à construire ? Et si je me trompais ?

Ce biais agit comme une alarme interne mal réglée. Il nous avertit d’un danger… même quand il n’y en a pas.

Ce que tu protèges peut te coûter plus cher que ce que tu redoutes de perdre

La grande difficulté avec le biais d’aversion à la perte, c’est qu’il est socialement validé. Il ressemble au bon sens. Il s’appuie sur des phrases bien ancrées : “on sait ce qu’on perd, pas ce qu’on gagne”, “mieux vaut un tien que deux tu l’auras”, “ce n’est pas le moment”.

Mais en restant là où l’on n’est plus à sa place, on paye un prix silencieux. Celui du temps perdu. De l’énergie gaspillée. De l’élan bridé.

Sortir de sa zone de confort, ou sortir de sa zone de confiance, ce n’est pas se jeter dans le vide. C’est, dans un premier temps, prendre conscience de ce que l’on sacrifie en restant immobile. Et ensuite, accepter de faire un pas, même minime, vers autre chose.

Le biais d’aversion à la perte ne disparaît pas. Mais on peut apprendre à le reconnaître, à le questionner et à le contourner. Pour faire de la place, respirer et avancer.

Quelques pistes concrètes pour sortir en douceur de sa zone de confort

Sortir de sa zone de confort n’est pas un sprint. C’est souvent une succession de micro-libérations. Voici quelques pistes, directement inspirées de l’épisode 27 du podcast, pour commencer à avancer :

  1. Retourner la peur : Et si perdre du confort permettait de gagner en liberté ? Pose-toi la question : Qu’est-ce que je rends possible en lâchant ce qui me pèse ?
  2. Le test du choix présent : Si tu devais faire ce choix aujourd’hui, sans tenir compte du passé, est-ce que tu le referais ? Et si c’était un ami dans ta situation, que lui conseillerais-tu ?
  3. L’exercice des 3 scénarios : Écris noir sur blanc le pire scénario, le scénario réaliste et le meilleur. Tu verras que dans 90 % des cas, même le pire n’est pas insurmontable.
  4. Avancer par petits pas : Pas besoin de tout changer. Un “non” posé. Une conversation ouverte. Un jour de recul. Un dossier de candidature lancé. Ce sont ces petits gestes qui amorcent les grands changements.

Pour aller plus loin

Dans l’épisode 27 du podcast Les Biais Dans Le Plat, je te parle de cette peur du changement et de cette résistance inconsciente qui peuvent littéralement nous coûter notre vie. Pas au sens dramatique du terme. Mais au sens de tout ce qu’elle pourrait contenir, et qu’on met de côté pour préserver un équilibre factice.

Écoutez cet épisode si vous vous posez la question : « Est-ce que je reste ici parce que c’est juste… ou parce que j’ai peur de partir ? »

>> Clique ici pour écouter l’épisode 27 sur  Spotify, Apple Podcast, Amazon Music et Deezer

En savoir plus sur ce thème : 

Les biais cognitifs qui déforment notre rapport au futur

Retrouvez l’épisode 26 du podcast Les Biais Dans Le Plat sur Spotify, Apple Podcast, Amazon Music et Deezer !

Bienvenue dans Les Biais Dans Le Plat, le podcast qui vous aide à décoder les biais cachés qui influencent notre perception, nos choix et nos interactions.

Aujourd’hui, je vous emmène explorer un territoire fascinant (et parfois piégé) : notre rapport au futur.

Pourquoi anticipons-nous si mal ? Pourquoi nos projections sont-elles souvent dramatisées ou idéalisées ? Quels biais cognitifs sabotent notre capacité à envisager l’avenir de façon sereine ?

Les trois biais cognitifs qui minent notre vision du futur

1. Le biais d’impact
Nous surestimons l’intensité et la durée des émotions que nous ressentirons après un événement futur.
En vérité, nos émotions reviennent généralement à leur niveau de base beaucoup plus vite que prévu.

2. Le biais de planification
Nous croyons pouvoir accomplir beaucoup plus que ce qui est réaliste…
Notre cerveau sous-estime systématiquement les obstacles et surestime notre futur soi.

3. L’aversion au risque et la prophétie auto-réalisatrice
Par peur d’échouer ou d’être déçu, nous imaginons les pires scénarios.
Et parfois… à force de s’y préparer mentalement, nous finissons par les provoquer.

Pourquoi notre cerveau fabrique-t-il ces projections biaisées ?

D’un point de vue évolutif, il était plus sûr d’imaginer un tigre derrière chaque buisson que d’être pris au dépourvu. Aujourd’hui, il n’y a plus de tigres… mais notre cerveau continue à anticiper catastrophes et déceptions pour nous « protéger ».

Comment apprivoiser notre rapport au futur ?

Voici quelques leviers concrets pour mieux naviguer :

  • Fractionner les scénarios

Quand votre cerveau vous propose un scénario catastrophe, forcez-vous à en imaginer deux autres : un scénario neutre, et un scénario positif.
Cela rééquilibre votre vision.

  • Adopter la flexibilité plutôt que la prévision

Au lieu de chercher à tout prévoir, travaillez votre capacité à vous adapter.

  • Relativiser l’impact émotionnel

Posez-vous cette question toute simple :
« Dans un an, est-ce que cet événement sera encore aussi important ? »
Très souvent, la réponse apaise immédiatement l’angoisse.

Conclusion : Le futur est un brouillon, pas un destin écrit

Le futur n’est pas une pièce de théâtre dont nous aurions le scénario caché quelque part. C’est un brouillon. Un terrain mouvant, fait pour être écrit au fil des pas.

Et si au lieu d’essayer de prédire ce qui va mal tourner, on s’entraînait à cultiver notre agilité intérieure ?

Et vous, dites-moi :
Quel futur votre cerveau adore inventer ? Catastrophes, contes de fées… ou un peu des deux ?


Envie d’aller plus loin ? Voici quelques ressources utiles :

À très vite pour de nouveaux épisodes 🎙 !

Biais d’autorité : 5 clés pour savoir le déjouer

Biais d’autorité : 5 clés pour savoir le déjouer

5 astuces pour déjouer le biais d'autorité

Introduction : Voir le biais d’autorité pour le déjouer

Vous êtes en réunion. Quelqu’un propose une idée discutable. Tout le monde acquiesce. Vous aussi. Pourtant… vous n’êtes pas d’accord. Mais c’est votre manager. Alors vous vous taisez. Le biais d’autorité est à l’oeuvre.

Ça vous parle ? Moi aussi.

Ce réflexe a un nom : le biais d’autorité. Il agit comme une main invisible sur nos pensées, nos paroles, nos silences. Bonne nouvelle : on peut apprendre à le reconnaître, et surtout, à en faire quelque chose de constructif.

Le biais d’autorité : un filtre bien plus courant qu’on ne le pense

Le biais d’autorité, c’est notre tendance à accorder plus de crédit à une information ou à une idée, simplement parce qu’elle vient d’une personne perçue comme légitime ou puissante : un manager, un expert, un leader charismatique.

Ce biais est ancré dans notre histoire évolutive. Obéir au chef de meute, dans des contextes de survie, était souvent la meilleure option. Sauf qu’aujourd’hui, en entreprise, ce réflexe peut étouffer l’expression, freiner l’innovation, voire mener à des décisions peu pertinentes.

Et pourtant, il est difficile à repérer. Pourquoi ? Parce qu’on le confond avec le respect. Il est culturellement valorisé. Il nous donne l’illusion de sécurité.

Déjouer le biais d’autorité, c’est commencer par le voir à l’œuvre. Chez les autres. Mais surtout en soi.

Clé 1 : Donnez un nom à ce qui vous freine

À chaque fois que vous vous censurez en réunion, posez-vous cette question : « Est-ce que je crois vraiment ce que je pense, ou est-ce que je me plie à une autorité implicite ? »

Identifier le biais d’autorité, c’est déjà l’affaiblir. C’est comme pointer une illusion d’optique : une fois qu’on l’a vue, on ne peut plus faire comme si elle n’existait pas.

Astuce : Gardez une trace de vos non-dits. Sur une semaine, notez les moments où vous avez pensé différemment mais n’avez rien dit. Que se passait-il ? Qui parlait ? Comment étiez-vous ?

Déjouer le biais d’autorité, c’est aussi accepter qu’il agit souvent sans bruit, tapi dans le décor de nos automatismes.

Clé 2 : Mettez tout le monde à hauteur d’humain

Il est tentant de penser que certains ont accès à une vérité supérieure. Surtout quand ils ont un titre, une réputation, ou une voix assurée.

Mais rappel : chaque personne, même brillante, est traversée par les mêmes biais cognitifs que vous.

Astuce : En formation, j’invite souvent à imaginer son N+1 en pantoufles. L’effet est garanti. C’est un exercice de déconstruction mentale qui libère.

Déjouer le biais d’autorité, c’est aussi se rappeler que les titres sont des étiquettes. Pas des garanties de justesse.

Cas pratique #1 : Quand votre manager vous interrompt systématiquement*
Je participe à un séminaire. On me confie la tâche d’expliquer un projet complexe. Je prépare, je structure, je m’applique. Mais dès que je prends la parole, le manager m’interrompt. Pas pour contredire, non : pour reformuler. À sa façon. À chaque phrase.
Prétexte ? « C’est trop complexe, il faut que ce soit plus clair. »
Résultat ? Je perds le fil, l’autorité implicite du manager noie mon propos, et je suis renvoyée à une posture d’élève maladroite.
Ce que j’ai fait ? J’ai tourné la situation avec humour : « Je m’excuse, je pensais être claire, mais j’ai visiblement besoin d’un traducteur en chef. » La salle a ri, et le manager s’est calmé. Le lendemain, j’ai reçu des excuses.
Cette scène illustre à quel point déjouer le biais d’autorité est nécessaire pour restaurer une communication fluide. Le manager ne voulait sans doute pas nuire, mais en s’imposant comme filtre obligatoire, il a étouffé le message.

Clé 3 : Créez (ou proposez) des espaces sans hiérarchie

Parfois, ce n’est pas l’individu qui s’impose, mais le système. La réunion où tout le monde regarde la même personne. Le PowerPoint qu’on n’ose pas interrompre.

Et si on décidait, à certains moments, de poser les titres au vestiaire ?

Exemples concrets :

  • Des brainstormings anonymisés (via post-its ou outils digitaux)
  • Des tours de table inversés (on commence par les juniors)
  • Des réunions « no chef day »

Astuce manager : Demandez explicitement des objections. La phrase magique ? « Qu’est-ce qui vous gêne dans ce que je propose ? »

Déjouer le biais d’autorité passe aussi par le design de nos réunions.

Clé 4 : Développez l’art du désaccord constructif

Contredire n’est pas trahir. C’est contribuer. Mais encore faut-il savoir comment.

Modèles de formulation :

  • « Je vois les choses un peu autrement, je peux partager mon point de vue ? »
  • « Et si on testait une autre option ? »

Exprimer une idée différente, ce n’est pas remettre en cause une personne. C’est enrichir la réflexion.

Cas pratique #2 : Quand vous heurtez votre chef par mégarde*
Lors d’une réunion de brainstorming, la consigne est claire : chacun propose des idées sur des post-its, les classe, puis peut déplacer ceux des autres s’il les estime mal positionnés. Une dynamique censée être horizontale, neutre et collaborative.
Sauf que dans ce groupe, ma cliente est la cheffe d’équipe. Elle pose une idée. Et moi, consultante externe, je déplace son post-it, sans savoir qu’il venait d’elle. L’ambiance se fige immédiatement. Exercice interrompu. Malaise.
Que s’est-il passé ? Le biais d’autorité (associé ici à un biais de statut) a activé un réflexe défensif : comment ose-t-elle me corriger, moi ? L’idée n’a pas été jugée sur son fond, mais sur sa provenance hiérarchique.
Clé de sortie : garder son calme, et réinterroger les règles du jeu de manière ouverte : « Est-ce qu’on peut reprendre l’exercice sans chercher qui a écrit quoi ? L’objectif, c’est d’enrichir nos idées, non ? »

Déjouer le biais d’autorité, ici, c’est aussi faire preuve d’agilité relationnelle.

Clé 5 : Décelez le biais d’autorité… aussi quand c’est vous qui l’émettez

Ce biais est un boomerang. On le subit, mais on le provoque aussi. Sans le vouloir.

Avez-vous déjà remarqué que personne ne vous contredit ? Qu’une idée un peu faible est acceptée sans broncher ? Ce n’est pas toujours un signe de clarté. Parfois, c’est juste… de la crainte hiérarchique.

Astuce : Ralentissez avant de clore une discussion. Créez un espace où l’on peut contester votre point de vue. Posez la question que peu de managers osent poser : « Ai-je manqué quelque chose ? »

Déjouer le biais d’autorité, c’est aussi une affaire de posture managériale.

Biais inconscient - l'autorité du chef

Le biais d’autorité n’est pas un ennemi

C’est le fondement de notre fabrication cérébrale quand le besoin primaire de survie (collective) cède le pouvoir à un individu réputé comme capable de favoriser la sécurité de tous.

Le biais d’autorité peut même être utile : dans une crise, on a parfois besoin de suivre une direction claire. Mais il devient nocif lorsqu’il se transforme en automatisme. Quand il empêche la pensée. Quand il bride la parole.

Le but n’est pas de rejeter l’autorité. Mais de la remettre à sa juste place : une voix parmi d’autres. Pas la seule.

Image mentale : Le biais d’autorité, c’est comme un GPS. Pratique, rassurant. Mais parfois, il vous fait prendre un détour inutile. Et vous, vous connaissez peut-être un raccourci que lui ignore.

Conclusion : Alors, prêts à déjouer le biais d’autorité quand cela est nécessaire ?

Quand avez-vous osé exprimer une idée face à une figure d’autorité ? Et qu’avez-vous ressenti ?

Ce n’est jamais facile. Mais c’est souvent libérateur.

Et si on apprenait à marcher à côté, plutôt que derrière ?

Pour aller plus loin, je vous recommande cet épisode de podcast : Biais cognitifs et management défaillant en réunion

*Ces scènes sont racontées plus en détail dans cet article : Biais inconscients en réunion : démarquez-vous

Les biais cognitifs qui occultent le présent

Retrouvez l’épisode 25 du podcast Les Biais Dans Le Plat sur Spotify, Apple Podcast, Amazon Music et Deezer.

Bienvenue dans Les Biais Dans Le Plat, le podcast qui vous aide à décoder les biais cachés qui influencent notre perception, nos choix et nos interactions.

Aujourd’hui, je vous parle de ces biais cognitifs qui brouillent notre rapport au présent. Ceux qui nous empêchent d’habiter pleinement l’instant. Ceux qui nous poussent à voir ce qu’on veut voir… au lieu de ce qui est.

Quels sont les biais cognitifs qui nous éloignent du présent ?

Voici les trois principaux pièges cognitifs qui déforment notre rapport à l’instant :

1. Le biais de récence
Notre mémoire donne plus d’importance à ce qui vient de se passer. 

2. L’attention sélective
On croit voir tout ce qui se passe… alors qu’en fait, on ne capte que ce que notre cerveau a décidé de prioriser.

3. L’illusion de transparence
Ce biais nous fait croire que les autres voient ce que l’on ressent. Qu’ils perçoivent notre stress, notre inconfort, notre agacement.

Tous ces biais ont un point commun : ils colorent le présent, mais en lui ajoutant des filtres qui ne viennent pas de l’instant lui-même, mais de nos émotions, de nos attentes, ou de nos peurs.

Pourquoi notre cerveau réagit-il ainsi ?

Parce qu’il n’a pas été conçu pour contempler, mais pour anticiper. Notre cerveau est une machine à prédire, pas à savourer.

Le problème, c’est que cette stratégie crée des effets secondaires :

  • On interprète des signaux faibles comme des dangers.
  • On devient hyper-réactif.
  • On se déconnecte de ce qui est vraiment en train de se passer.

Comment retrouver un rapport plus juste à l’instant ?

Voici quelques leviers simples et puissants :

1. Nommer ce qui est là, maintenant.

Pas ce que je pense. Ce que je ressens.

2. Fractionner l’info pour contrer le biais de récence.

Cela permet de dézoomer et de rétablir une vision plus juste.

3. S’offrir de vraies pauses d’attention.

Pas des pauses écran. Des vraies pauses. Regarder par la fenêtre. Boire son café sans téléphone.

4. Se rappeler que les autres ne lisent pas dans nos pensées.

Ça aide à lâcher cette pression invisible… et à rester plus détendu dans l’instant.

Conclusion : Le présent est peut-être la chose la plus difficile à vivre pleinement.

Parce que tout, dans notre environnement et dans notre cerveau, nous pousse à le fuir : vers le passé, vers le futur, ou vers nos projections.

Mais c’est justement en comprenant ces mécanismes qu’on peut commencer à reprendre la main.
Pas pour être parfaitement “mindful” en permanence. Mais pour apprendre à être là… un peu plus souvent.

Dans le prochain épisode, nous irons encore plus loin dans notre rapport au temps en explorant les biais liés au futur :
Pourquoi anticipons-nous si mal et imaginons-nous des scénarios catastrophes ou idéalisés ? Pourquoi croyons-nous que “quand j’aurai ça, tout ira mieux” ?

En savoir plus : 

Leadership et biais de genre : savoir lâcher prise

Leadership et biais de genre : savoir lâcher prise

Et si le vrai pouvoir, c’était de savoir quand se battre… et quand s’épargner ?

Leadership et biais de genre _ déconstruire et lâcher prise

La question du leadership et des biais de genre est aujourd’hui au cœur des enjeux d’égalité, de performance et de santé psychologique au travail. Il ne s’agit plus seulement d’ouvrir la porte des responsabilités aux femmes. Il s’agit de reconnaître que cette porte est souvent encadrée de stéréotypes, d’attentes implicites, de jugements non exprimés. Ces biais n’agissent pas seulement comme des freins à la progression des carrières féminines. Ils infiltrent les décisions, les interactions, les évaluations de performance, jusqu’à affecter la confiance en soi.

Selon un rapport du World Economic Forum (2023), les femmes occupent moins de 30 % des postes de direction dans le monde. Et ce, malgré des niveaux d’études et de performance qui équivalent ceux des hommes. En cause ? Des stéréotypes persistants sur les qualités attendues d’un « bon leader ». Dans ce contexte, les femmes doivent sans cesse composer. Elles doivent faire entendre leur voix, tout en restant « acceptables » ; diriger, sans paraître autoritaires ; concilier ambition et accessibilité.

Mais faut-il toujours déconstruire ces biais ? Ou faut-il, parfois, les reconnaître simplement comme ce qu’ils sont : des projections qui ne nous appartiennent pas ? Ce que je propose ici, c’est une grille de lecture à double entrée, qui permet de gagner en lucidité, en pouvoir d’action, et en sérénité.

Leadership et biais de genre : une posture lucide entre transformation et protection de soi

Dans un contexte professionnel encore largement traversé par des normes masculines de leadership, les femmes sont souvent confrontées à une double tâche. Il leur faut exercer leur fonction… et justifier leur place. Ce phénomène, que je développe dans Leadership au féminin : entre falaise et plafond de verre, produit une usure invisible mais profonde.

Face à cela, une posture lucide consiste à différencier deux types de situations :

  1. Celles où il est pertinent d’intervenir pour déconstruire activement les biais de genre. Il peut s’agir de décisions managériales, d’évaluations, de prises de parole. Autant de contextes où les représentations sociales genrées produisent des effets négatifs concrets sur la perception du leadership féminin.
  2. Celles où il est plus sain de reconnaître le biais sans y répondre. Il est parfois inutile de se retrouver dans une spirale de justification ou d’hyperadaptation. Cette reconnaissance permet de préserver son énergie et sa clarté d’esprit.

👉 Cette grille d’analyse s’appuie sur une logique d’économie mentale et émotionnelle. Il faut transformer ce qu’il est possible de changer. Vous pouvez en revanche vous protéger de ce qui relève d’un système extérieur et biaisé.

Quand déconstruire les biais de genre : un acte stratégique et nécessaire

Le leadership et les biais de genre se heurtent particulièrement dans les contextes de visibilité et de pouvoir. Réunions stratégiques, négociations salariales, nominations : autant de moments où les stéréotypes se réactivent.

Un exemple récurrent : une femme perçue comme trop directive est jugée froide, voire agressive. L’homme dans la même posture est perçu comme charismatique. Ce double standard est bien documenté : une méta-analyse publiée dans Psychological Bulletin (Eagly & Karau, 2002) montre que les femmes qui adoptent un style de leadership dit « agentique » (affirmation de soi, autorité, autonomie) sont pénalisées dans leur évaluation sociale.

Mais les biais de genre ne sont pas que des obstacles : ce sont aussi des révélateurs. Ils rendent visibles les normes implicites que personne ne questionne — jusqu’à ce qu’on le fasse.

Déconstruire les biais dans ces contextes, c’est :

leadership et biais de genre _ déconstuire
  • Donner une légitimité explicite à des formes de leadership plus inclusives. Comme l’empathie stratégique, la coopération décisionnelle, la capacité à reconnaître ses vulnérabilités sans les confondre avec de la faiblesse.
  • Créer des précédents. Une femme qui prend la parole pour demander la transparence sur les critères de promotion ne le fait pas seulement pour elle. Elle ouvre une brèche. Cela rejoint l’approche décrite dans Femmes et syndrome de l’imposteur, osez le succès.
  • Responsabiliser collectivement. Déconstruire, c’est aussi renvoyer aux structures leur rôle actif dans la reproduction des inégalités. Le leadership, en ce sens, devient un acte politique.

La clé est donc d’intégrer cette lecture du leadership et des biais de genre dans nos pratiques quotidiennes. Ce n’est pas seulement un sujet de discours ; c’est un levier d’action concret, à la fois individuel et collectif.

Quand lâcher prise : préserver son énergie face à l’invisible

Si déconstruire les biais de genre peut être un acte stratégique de transformation, il existe aussi des contextes où cette lutte permanente devient contre-productive, voire nocive. Dans ces cas, le plus grand acte de leadership consiste à ne pas se laisser happer par des normes qui ne nous appartiennent pas. C’est ici qu’intervient la deuxième dimension de cette grille de lecture : savoir quand et pourquoi lâcher prise.

Le leadership et les biais de genre entretiennent une relation complexe

Notamment parce que ces biais ne sont pas toujours exprimés ouvertement. Ils peuvent prendre la forme de micro-jugements, d’attentes implicites ou d’une fatigue constante liée à l’hyper-vigilance. Cette pression diffuse alimente une dynamique d’auto-censure et de sur-adaptation que de nombreuses femmes expriment en coaching ou en supervision.

Prenons un exemple banal : après une réunion tendue, une manager va passer la soirée à se demander si elle a été trop ferme, si elle aurait dû nuancer davantage, si elle n’a pas paru trop rigide. Cette mécanique mentale n’est pas anodine : elle traduit une intériorisation du regard social, souvent fondée sur des normes genrées implicites. Elle est renforcée par le biais d’auto-complaisance inversée, qui pousse à attribuer les échecs à des causes internes et les réussites à des facteurs externes.

Dans ces cas-là, l’enjeu n’est pas de corriger un biais extérieur, mais d’empêcher qu’il ne devienne un filtre déformant intérieur. Ce que j’ai développé dans l’article Femmes et managers : stop au perfectionnisme paralysant s’applique pleinement ici : vouloir être irréprochable est une stratégie de protection qui finit par nous enfermer.

Lâcher prise, dans le contexte du leadership et des biais de genre, peut prendre plusieurs formes :

  • Ne pas répondre à certaines remarques, non par passivité, mais par choix stratégique. Tout ne mérite pas une explication.
  • Ne pas corriger systématiquement son discours, son ton ou son attitude, pour correspondre à une norme implicite de « leadership acceptable ».
  • Se recentrer sur l’impact plutôt que sur l’image. Une décision bien menée, même perçue comme « tranchée », n’a pas besoin d’être justifiée si elle est alignée avec ses valeurs et ses responsabilités.
Biais de genre et leadership savoir lâcher prise

Ce type de lâcher-prise ne signifie pas ignorer les biais. Il s’agit plutôt de refuser de se définir à travers eux. Comme l’a montré Brené Brown dans ses travaux sur la vulnérabilité et le courage managérial, la solidité intérieure vient de l’alignement, pas de la perfection.

Autrement dit : lâcher prise, c’est retrouver une forme de souveraineté. C’est ne plus passer son temps à chercher la posture parfaite, mais choisir en conscience la réponse — ou le silence — qui nous préserve sans nous trahir.

Partage d’expérience : de l’intime au collectif

Ce que je sais être la vérité !

Dans mes discussions, je commence souvent par cette phrase : « J’ai finalement compris que ce que je ressens n’est pas individuel mais systémique. » C’est une clé de lecture que j’aurais aimé avoir plus tôt dans ma propre trajectoire.

Je me souviens par exemple d’une prise de parole en réunion de direction, il y a quelques années. J’avais préparé mon intervention avec soin, des arguments solides, une vision claire. Et pourtant, après avoir exprimé mon point de vue, j’ai été saisie par un doute immense : est-ce que j’ai été trop tranchante ? Trop passionnée ? Trop sûre de moi ? Ce n’est que plus tard, en revoyant l’enregistrement de la réunion (eh oui, c’était en visio), que j’ai réalisé que ma posture était parfaitement ajustée. Mon seul « excès », c’était de ne pas avoir joué la carte de l’atténuation.

C’est là que j’ai compris quelque chose de fondamental : ce n’était pas moi qui étais « trop », c’était le cadre qui était étroit. Un cadre où l’expression affirmée d’une femme est encore trop souvent lue à travers des filtres biaisés. Ce que j’ai formulé récemment dans un post LinkedIn comme « tu te pollues à vouloir convaincre des idiots par une approche rationnelle » a été un vrai déclic : il faut choisir ses batailles, sinon c’est notre énergie qui y passe.

La vraie vie !

Il y a aussi ces moments où l’on choisit de ne pas relever. Comme cette remarque anodine — « ah tiens, t’as coupé tes cheveux courts, ça fait plus sérieux maintenant ». J’aurais pu répondre. J’ai préféré ignorer. Non pas par faiblesse, mais parce que j’ai senti que ce combat-là n’en valait pas la peine. Mon nouveau mantra : « L’énergie que tu investis à prouver que tu as raison, tu ne la mets pas à créer ce qui compte pour toi ».

Et puis, il y a ces nuits d’insomnie. Cette nuit, en particulier, où j’ai douté de tout. Mon utilité, mes choix, mes valeurs. J’ai ressenti ce que tant de femmes ressentent : l’impression de devoir mériter chaque millimètre de légitimité. Et pourtant, ce doute est aussi ce qui nous relie, ce qui nous pousse à chercher du sens. Ce que j’ai découvert, c’est que ce doute-là, quand on l’accepte, peut devenir un levier de lucidité.

Ces expériences m’ont appris à doser, à arbitrer. À me demander, chaque fois : quel est le coût émotionnel de cette réponse ? Et est-ce que ce coût vaut la peine, ici et maintenant ?

C’est dans cette intelligence contextuelle que se construit, selon moi, une forme de leadership lucide. Un leadership qui n’essaie pas de tout rééduquer autour de lui, mais qui choisit ses batailles — et en sort plus libre.

Et vous ?

  • Avez-vous déjà vécu une situation où vous vous êtes demandé si votre réaction était « trop » ?
  • Quelles stratégies mettez-vous en place pour choisir entre réaction et lâcher-prise ?
  • Quels sont les contextes dans lesquels vous vous sentez légitime pour déconstruire… et ceux dans lesquels vous choisissez de vous protéger ?

Conclusion : un leadership lucide, aligné, durable

Ce que révèle cette réflexion sur le leadership et les biais de genre, c’est qu’il ne suffit plus de dénoncer les mécanismes en place. Il s’agit désormais d’apprendre à y naviguer avec lucidité. Un leadership véritablement inclusif ne se contente pas d’ouvrir la porte à d’autres voix : il redéfinit les critères d’autorité, de légitimité, d’efficacité.

Déconstruire, c’est transformer les règles du jeu quand elles empêchent d’être pleinement soi, d’exercer son pouvoir, de prendre des décisions ancrées. Lâcher prise, c’est refuser de laisser les biais extérieurs gouverner l’intérieur — c’est dire : je vois ce biais, mais je choisis de ne pas m’y soumettre.

C’est dans cette capacité à articuler résistance et souveraineté que se forge une nouvelle manière de diriger, plus libre, plus juste, plus humaine.

Alors non, il ne faut pas toujours déconstruire les biais de genre. Mais il faut toujours être capable de les reconnaître. Et surtout, de ne plus leur laisser le pouvoir de décider à notre place.

Les biais cognitifs et le passé : on enjolive

Retrouvez l’épisode 24 du podcast Les Biais Dans Le Plat sur Spotify, Apple Podcast, Amazon Music et Deezer.

Bienvenue dans Les Biais Dans Le Plat, le podcast qui vous aide à décoder les biais cachés qui influencent notre perception, nos choix et nos interactions.

Dans cet épisode, je vous explique les biais cognitifs qui parasitent notre rapport au passé. Ces filtres mentaux qui font qu’on idéalise certaines périodes, qu’on exagère des échecs, ou qu’on croit “avoir toujours su”, après coup.

Les quatre biais cognitifs qui déforment le passé

1. Le biais rétrospectif
Cette tendance à croire, après coup, que les événements étaient plus prévisibles qu’ils ne l’étaient réellement.

2. Le faux souvenir
La mémoire humaine est malléable. Elle ne photographie pas les faits. Elle les reconstruit.

3. La règle de l’apogée-fin (ou règle PIC/FIN)
Quand on repense à une expérience passée, ce n’est pas l’ensemble qu’on évalue. C’est le moment le plus intense émotionnellement… et la fin.

4. Le biais régressif
Ce biais nous pousse à croire que les choses reviennent toujours à une sorte de moyenne rassurante.

Pourquoi notre cerveau agit-il ainsi ? Et quelles conséquences ?

Notre cerveau n’aime pas le flou. Il veut des histoires simples. Des débuts, des milieux, des fins. De la causalité. De la logique.

Et comme notre passé est un vaste terrain mouvant, il préfère le remodeler que de s’y perdre. Il arrange, il gomme, il complète.

Mais à force de réécrire, il déforme. 

Bref, un passé biaisé devient une boussole déréglée pour le présent.

Comment reprendre la main sur notre mémoire ?

Heureusement, il existe des leviers concrets pour neutraliser l’effet de ces biais.

1. Écrire
Pas un journal intime, mais des faits : noter ce qu’on pense, ce qu’on ressent, ce qu’on fait. Il pourra être relu quelques mois plus tard pour agir comme un miroir fidèle

2. Croiser les versions
Quand un souvenir revient, en parler à quelqu’un qui l’a vécu avec nous.

3. Interroger nos récits intérieurs avec objectivité

c’est le meilleur moyen de combattre le biais rétrospectif !

4. Évaluer globalement
Ne pas se fier uniquement à la fin ou au pic émotionnel. 

Ces pratiques simples permettent de réduire l’impact émotionnel de nos souvenirs, de les remettre en contexte… et de faire de notre passé un appui plutôt qu’un poids.

Conclusion : Le passé ne ment pas toujours mais il improvise 

Il sélectionne, enjolive, dramatise, simplifie.

Et c’est à nous de remettre de la nuance. De l’analyse. De la présence.

Dans le prochain épisode, justement, nous parlerons de ce présent qu’on croit vivre pleinement, mais que nos biais cognitifs filtrent, distordent et détournent — souvent sans qu’on s’en aperçoive.

En savoir plus : 

Biais cognitifs : Le cerveau gère mal le temps

Retrouvez l’épisode 23 du podcast Les Biais Dans Le Plat sur SpotifyApple PodcastAmazon Music et Deezer.

Bienvenue dans Les Biais Dans Le Plat, le podcast qui vous aide à décoder les biais cachés qui influencent notre perception, nos choix et nos interactions… et parfois même notre rapport au temps.

J’ouvre aujourd’hui une mini-série sur notre relation – pour ne pas dire notre désaccord profond – avec le temps.

⏳ Le passé.
🟠 Le présent.
🔮 Le futur.

Tous les trois sont passés à la moulinette de notre cerveau… et ressortent souvent déformés. Parfois enjolivés. Parfois dramatisés. Souvent, mal interprétés.

Et ça, c’est pas un défaut de fabrication. C’est le cerveau qui fait son job.

Pourquoi notre cerveau n’est pas fait pour “le vrai temps” ?

Notre cerveau n’est pas linéaire. Il est paresseux, émotionnel, et très attaché à notre survie. Alors il simplifie, il filtre, il arrange.

🎯 Résultat : notre perception du temps est biaisée dans toutes les directions.

Mais le plus pernicieux, c’est qu’on croit que notre perception EST la réalité.

On dit souvent “le temps guérit tout”. Peut-être. Mais il peut aussi entretenir des blessures imaginaires si on laisse notre cerveau aux commandes automatiques.

Dans notre quotidien, à quoi ça ressemble ? Quels biais cognitifs font que notre cerveau gère mal le temps ?

💔 Exemple #1 : Les disputes de couple ou d’équipe.

Le biais rétrospectif : combien de fois peut-on se rejouer la même scène et l’améliorant ou à la transformant ?

📆 Exemple #2 : Le planning irréaliste.

Le biais de planification : “j’aurai le temps …” Tu sais déjà comment ça finit.

😬 Exemple #3 : La peur paralysante du changement.

Le biais d’impact : Tu n’oses pas postuler à ce nouveau job. Tu penses que si ça se passe mal, ta vie est fichue.

💬 Exemple #4 : Le syndrome du “c’était mieux avant”.

Tu idéalisais ce job d’avant, ou cette époque où “tout allait mieux”… Et c’est dangereux quand ça t’empêche d’avancer.

Pourquoi cette série maintenant ?

Parce que je rencontre trop de personnes – en entreprise, sur LinkedIn – qui se sentent fatiguées, perdues, bloquées
Et qu’en creusant, on se rend compte que ce sont souvent leurs propres scénarios mentaux autour du temps qui les empêchent de respirer.

Alors dans cette mini-série, je vous propose un voyage en 3 étapes :

  1. Le passé : comment nos souvenirs nous piègent (et pourquoi on les réécrit sans s’en rendre compte).
  2. Le présent : comment nos biais court-circuitent notre attention et notre lucidité.
  3. Le futur : comment nos prédictions sont fausses… mais très convaincantes.

Et bien sûr, je vous partagerai des outils concrets, des anecdotes pas toujours glorieuses (mais formatrices 😅) et des clés pour reprendre un peu de pouvoir là-dedans.

Conclusion : Reprendre la main sur notre boussole intérieure

👉 Le temps passe.
Mais notre façon de le vivre… ça, on peut la transformer.

🧠 Et si on apprenait à voir notre cerveau non pas comme un traître, mais comme un interprète un peu trop zélé ?
Un peu comme ce pote qui raconte toujours les mêmes histoires… mais jamais de la même façon.

🎧 Et vous, dites-moi :
Quelle relation avez-vous au temps ?
Est-ce que vous êtes du genre à ressasser, à zapper, à anticiper ?
Ou un peu tout ça en même temps ? (Spoiler : c’est mon cas aussi.)

En savoir plus :

Apprécier le chemin, pas seulement la destination

Apprécier le chemin, pas seulement la destination

Apprécier le chemin pas seulement la destination

« Apprécier le chemin, pas seulement la destination » ce n’est pas juste une posture intérieure. C’est aussi une organisation différente de sa vision du monde, de son temps, et de soi-même.

Dans l’article « Pourquoi est-il si difficile de reconnaître ses victoires ?« , je parlais de notre difficulté à faire pause, à célébrer, à observer tout ce qui a déjà été accompli.
Cette suite est une invitation à aller plus loin : apprendre à construire un chemin visible, structuré et habitable.

Comment réapprendre ce que notre « petit nous » n’a jamais su faire ?

Quand j’étais petite, j’étais incapable de rester en place après avoir fini une activité et j’ai l’impression que pour mes fils, la fin de l’activité n’était pas encore arrivée 😉

  • Une histoire lue ! « On fait quoi maintenant ? »
  • Un dessin terminé ! « Et après ? »
  • Un anniversaire passé ! « C’est quand le prochain ? »

J’étais déjà dans le mouvement d’après, alors que le moment présent n’était même pas tout à fait terminé.

Et cette petite moi n’a pas disparu. J’ai simplement grandi. Elle s’est habillée d’ambition, de responsabilités, de to-do lists bien rangées. Elle est toujours là, juste plus discrète. Plus adulte dans sa manière de courir.

Lutter contre le syndrome du "et après"

Partie 1 – Le syndrome du “et après ?”

Nous sommes des versions adultes de cette impatience originelle. Il n’y a, en réalité, aucune surprise à ce que l’on peine à savourer ce que l’on est en train de vivre.

Et pourtant, cette agitation permanente laisse un goût d’inachevé. Une sensation étrange d’être toujours en chemin… sans jamais s’arrêter pour regarder le paysage.

Cela crée des tensions bien connues :

  • La peur de perdre de vue ses objectifs si l’on s’ancre trop dans le présent
  • L’angoisse de ne jamais atteindre ses buts si l’on ne reste pas focalisé sur la ligne d’arrivée.

Et en miroir, des frustrations tenaces :

  • Celle d’attendre le prochain grand moment, en passant à côté de tout le reste.
  • Celle de courir après des résultats, sans jamais prendre le temps de savourer le travail accompli.

1.1. L’illusion du “grand moment”

C’est un piège courant : croire qu’un jour, on ressentira enfin cette satisfaction profonde, cette sérénité stable, ce “ça y est”. Comme une ligne d’arrivée qui, une fois franchie, nous rendrait pleins.

Mais ce moment parfait, ce sommet tant attendu, existe rarement sous la forme qu’on imagine. On y arrive souvent fatigué. Pressé par le suivant. Ou déçu. Parce que l’instant en lui-même ne suffit jamais à combler les mois, voire les années, de tension accumulée.

Ce n’est pas une fatalité. C’est une habitude. Une manière de fonctionner que l’on peut questionner. Et transformer.

1.2. Apprendre à savourer le processus

Et si apprendre à apprécier le chemin, pas seulement la destination, devenait un nouvel art de vivre professionnel ? Apprécier le chemin ne veut pas dire renoncer à la destination. Cela veut simplement dire habiter chaque étape, au lieu de la traverser en apnée.

Mais cela s’apprend. Et comme tout apprentissage, cela demande :

  • de l’attention (pour repérer ces moments de transition qu’on écrase sans même les voir),
  • des étapes intermédiaires (pas seulement pour valider, mais pour vivre ce qui se passe),
  • et un peu de douceur envers soi (parce que ralentir est un acte de courage dans un monde qui pousse à l’urgence).

1.3. Revenir à soi

Cela commence peut-être par une question simple :
Et si je me permettais d’éprouver de la fierté en chemin, et pas seulement à l’arrivée ?

Cela continue par un geste minuscule : écrire et relire ce que l’on a déjà fait, au lieu de se projeter dans ce qu’il reste à accomplir.

Et cela se prolonge dans une posture de vie : ne plus attendre que tout soit fini pour se sentir bien.

1.4. Une philosophie à incarner, pas à prêcher

Ce n’est pas un slogan de développement personnel. C’est un regard à transformer.

Parce que ce que nous apprenons pour nous-mêmes, nous le transmettons.
À nos enfants, nos proches et nos équipes.

Apprécier le chemin, c’est aussi leur montrer que la vie n’est pas qu’un enchaînement d’objectifs, mais un tissage de moments pleins. Que la réussite ne se mesure pas seulement à la hauteur des sommets atteints, mais à la manière dont on a habité chaque pas.

Partie 2. Alors… comment fait-on concrètement ? Travailler sa “bonne vision” du chemin

Apprécier le processus demande d’avoir une vision claire du cap et de ses étapes. Pas seulement un objectif lointain, mais une structuration de l’avancée.

Et pour ça, deux approches font leurs preuves depuis longtemps : les grosses pierres et le cercle d’influence.

2.1. La méthode des “grosses pierres” : remettre les priorités dans le bon ordre

J’ai déjà parlé de cette méthode dans l’article « Pourquoi est-il si difficile de reconnaître ses victoires ?« . Cette métaphore est classique. Un professeur présente à ses élèves un grand bocal vide, des grosses pierres, des petits graviers, du sable et de l’eau.

Si l’on commence par verser le sable, puis les graviers, les grosses pierres ne rentrent plus. Mais si l’on place d’abord les grosses pierres, tout le reste trouve naturellement sa place autour.

Dans notre quotidien, les grosses pierres représentent ce qui a réellement de la valeur : un temps de création, une pause pour respirer, un moment avec ses proches, un projet qui nous anime. Les graviers et le sable, ce sont les mails, les urgences d’autrui, les détails chronophages.

Ce que l’on oublie souvent, c’est que les grosses pierres ne sont pas que des objectifs finaux.
Ce sont aussi les étapes structurantes du chemin. Celles qu’il faut planifier, protéger, savourer.

Prendre le temps de les identifier, c’est déjà une forme d’engagement envers soi.
Et les placer dans l’agenda, c’est leur donner de la légitimité.
On ne savoure pas ce qu’on considère comme accessoire.

Cette méthode est un excellent point de départ pour apprécier le chemin, pas seulement la destination — en donnant du poids à chaque étape plutôt qu’à l’arrivée finale.

🎯 Zoom pratique – Exercice “grosses pierres” pour managers d’équipe

Objectif : aider les managers à identifier ce qui compte vraiment — pour eux et pour leur équipe — afin de structurer le temps autour des vraies priorités.

La checklist des “grosses pierres” pour un manager :

1. Quelles sont mes grosses pierres cette semaine ?

– Un temps de concentration non-négociable sur un dossier prioritaire ?
– Une pause pour prendre de la hauteur ?
– Une conversation essentielle avec un collaborateur ?
– Un moment à préserver pour moi, hors contexte pro, mais indispensable à mon équilibre ?

2. Quelles sont les grosses pierres de mon équipe ?

– Ai-je identifié les projets qui ont un réel impact, plutôt que ceux qui font juste du bruit ?
– Ai-je pris le temps de reconnaître les efforts intermédiaires (et pas seulement les livrables) ?
– Est-ce que mes collaborateurs ont des temps protégés pour avancer, et pas juste pour répondre aux urgences ?

3. Comment je planifie ces pierres dans l’agenda collectif ?

– Ai-je fixé des créneaux pour ces priorités dans le planning hebdo ?
– Est-ce que je montre l’exemple en bloquant ces temps dans mon agenda ?
– Est-ce que j’en parle en réunion d’équipe pour donner du poids à cette approche ?

4. Qu’est-ce que je peux enlever ou alléger pour les laisser respirer ?

– Réunions inutiles ? Suivis sur-détaillés ?
– Est-ce que je laisse trop de place au sable, et pas assez aux vraies pierres ?

BONUS : Demande à ton équipe “quelles sont vos grosses pierres cette semaine ?” Tu verras émerger une vision beaucoup plus claire — et souvent plus alignée — du travail à accomplir.

2.2. Le cercle d’influence : reprendre la main sur ce qui dépend vraiment de nous

Popularisée par Stephen Covey, cette approche consiste à distinguer ce qui est dans notre zone d’influence directe, de ce qui ne l’est pas. Revenir à ce qui dépend de nous, c’est une manière simple — mais puissante — d’apprécier le chemin, pas seulement la destination.

Beaucoup d’angoisse vient du fait que nous concentrons notre attention sur des éléments extérieurs : la reconnaissance, les résultats, les aléas.

Mais le chemin, lui, se construit dans le cercle d’influence : ce que je peux faire aujourd’hui, avec mes ressources, mon rythme, ma propre façon d’avancer.

Par exemple :

  • Je ne peux pas garantir que ce projet sera un succès… mais je peux décider de le mener avec intégrité et attention.
  • Je ne peux pas contrôler le regard des autres… mais je peux choisir de me féliciter pour chaque étape franchie.

Changer de focale, c’est rendre visible ce que je peux savourer. Et ce que je peux nourrir. Pas seulement ce que je peux “atteindre”.

🔍 Zoom pratique – Le cercle d’influence du manager

Objectif : distinguer ce sur quoi un manager peut vraiment agir, pour arrêter de s’épuiser sur des fronts qui ne dépendent pas (ou peu) de lui.
Le cercle d’influence du manager… pour lui-même :
✅ Ce qui dépend de moi :
– Ma manière de communiquer.
– Mon écoute, ma posture de soutien ou de contrôle.
– Le cadre que je donne à l’équipe (règles du jeu, priorités, rythme).
– Ma capacité à dire “non” ou à ralentir quand c’est nécessaire.
– Mes feedbacks (fréquents, honnêtes, bienveillants).
– Le climat émotionnel que je co-crée.

❌ Ce qui ne dépend pas de moi :
– Les décisions stratégiques venues du dessus.
– La météo économique.
– Les réactions individuelles de chaque collaborateur.
– Les contraintes réglementaires, techniques, ou budgétaires.
– Revenir à son cercle d’influence, c’est regagner en impact… sans se disperser.
Le cercle d’influence du manager… en tant que leader d’équipe :
✅ Ce que je peux favoriser :
– La clarté sur les objectifs communs.
– Un climat de confiance (où l’on peut oser dire, essayer, échouer).
– La valorisation du progrès et des efforts (pas seulement des résultats).
– L’autonomie dans l’organisation du travail.
– Des temps de respiration et de déconnexion respectés.

❌ Ce que je ne peux pas imposer :
– L’adhésion totale à toutes les décisions.
– La motivation individuelle de chacun, si elle n’est pas nourrie de l’intérieur.
– L’absence de conflits ou de tensions.
_ L’envie de “savourer le chemin”… si moi-même je ne montre pas l’exemple.
– Le rôle du manager n’est pas de tout porter. C’est d’agir là où il a du pouvoir, et d’inspirer là où il n’en a pas

2.3. Faire du chemin un espace de croissance

Ces outils ne sont pas des recettes magiques. Mais ils ont un effet structurant.

Ils créent : 

  • Des points d’ancrage.
  • Des respirations dans la course.
  • Des occasions d’habiter ce que l’on vit.

Ils transforment un parcours flou en séquence d’étapes concrètes qui peuvent facilement devenir des petites victoires. Et c’est dans ces victoires intermédiaires que se construit la confiance. L’estime. La joie. 

Ce qui a révolutionné ma gestion du temps a été de mettre noir sur blanc ma semaine type pour éclairer mon véritable “temps disponible” car oui, nous avons tous du temps disponible ou du moins du temps qui pourrait être utile à l’accomplissement de nos projets. Que ça soit des heures dans les transports en commun, des plages de télévision ou d’écrans un peu trop “longues” 😉

Prenez une feuille, un tableur excel ou tout ce que vous voudrez et écrivez ! C’est le seul moyen d’être honnête et de prendre le pouvoir sur votre cerveau qui vous berce d’illusions, d’une douce complaisance ou de scénarios rétrospectifs ou d’anticipation qui vous paralysent. 

Apprendre à apprécier les petites victoires

En conclusion : Apprécier le chemin, ce n’est pas ralentir pour ralentir.

C’est reconnaître que la vie se joue là, dans les détails visibles qu’on choisit d’honorer. Apprécier le chemin, pas seulement la destination, c’est faire le choix conscient de ne plus vivre en accéléré.

Et si l’on veut vraiment transmettre à nos enfants, à nos équipes, à nos proches une autre manière d’être au monde, ce ne sera jamais uniquement par ce que l’on atteint…
Mais par la manière dont on avance.

Si on m’avait dit qu’un jour que comprendrais enfin les philosophes antiques 😂 mais le message des stoïciens me semble aujourd’hui limpide :

“Souviens-toi donc de ceci : si tu crois soumis à ta volonté ce qui est, par nature, esclave d’autrui, si tu crois que dépende de toi ce qui dépend d’un autre, tu tu sentiras entravé, tu gémiras, tu auras l’âme inquiète, tu t’en prendras aux dieux et aux hommes. Mais si tu penses qu seul de toi ce qui dépend de toi […] aucun malheur ne pourra t’atteindre” (Épictète – IIe siècle après JC)

Et vous ? quand est-ce que vous décidez d’apprécier le chemin, pas seulement la destination ?

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