Notre cerveau est fainéant… mais c’est pour notre bien !

Introduction : Un cerveau en mode économie d’énergie – nos biais cognitifs font de lui un fainéant.

Notre cerveau ne cherche qu'à économiser de l'énergie

Je vous le partageais dans mon article “Les biais cognitifs, ou comment notre cerveau joue d’abord pour lui” : les études prouvent que le cerveau humain est conçu pour la survie.

Pour fonctionner efficacement, il minimise l’effort. L’usage qu’il fait des biais cognitifs vise d’abord à éviter la surcharge cognitive. Ces biais nous permettent de prendre des décisions rapidement, mais souvent de manière imparfaite. Ce système économique en énergie rend notre cerveau « fainéant ». Il préfère les solutions simples plutôt que de traiter en profondeur chaque situation. C’est pourquoi nous devons être conscients de ces biais pour ne pas tomber dans leurs pièges au quotidien.

Dans son ouvrage : Notre cerveau nous mène en bateau, Chris Pavone recense les 190 biais cognitifs auxquels on ne peut échapper. Je me permets de rassembler sous trois catégories, les raccourcis mentaux utilisés par notre cerveau pour simplifier son travail de mémoire.

Partie 1 : les biais liés à notre “auto-centrisme”

Biais autocentré et égocentrique de notre cerveau

je ne sais pas si comme moi vous avez connu la collection : Les livres dont vous êtes le héros 😉 Je viens peut-être seulement de comprendre pourquoi ce titre de collection me faisait autant d’effet. 

Pour notre cerveau, il y aura toujours une grande différence entre vous, son héros, et les autres ! Et, si vous pensez que cela joue majoritairement contre vous, dans une lutte sans fin de comparaison, détrompez-vous. C’est même souvent le contraire. Je vous en dis plus !

1. Le biais égocentrique :

Nous avons tendance à surestimer notre importance dans les événements. Par exemple, lorsque quelque chose se passe mal, nous pensons souvent que c’est de notre faute, même lorsque d’autres facteurs entrent en jeu. Ce biais nous pousse à nous voir comme le centre de l’univers et à ignorer le rôle des autres ou des circonstances.

En fait, c’est bien un moyen qu’à trouver notre cerveau pour simplifier son travail de mémoire. Stocker des données de façon égocentrique, c’est se donner plus de place dans une histoire. Au fond, c’est une organisation “rationnelle” que notre cerveau utilise pour cataloguer nos souvenirs. Et notre cerveau va plus loin. Il va jusqu’à nous convaincre que nous savons ce que pense les autres – biais de faux consensus et bais de projection. “Nous” sommes dans le vrai et rationnels, “eux” sont victimes de leur environnement.

2. L’illusion de transparence :

Nous pensons souvent que nos pensées et émotions sont évidentes pour les autres. Pourtant, en réalité, ils sont bien moins conscients de ce que nous ressentons que nous ne le croyons. Cette illusion peut entraîner des malentendus, car nous présumons que nos émotions sont visibles et comprises.

Un exemple idiot mais tellement parlant pour comprendre ce biais. Vous devez faire deviner une chanson en la fredonnant. Quelle frustration lorsque personne ne reconnaît la mélodie pourtant si simple que vous entendez à l’intérieur de vous. Vous ne comprenez pas pourquoi personne ne le retrouve ! 

Breaking news : vous êtes seul(e) à l’intérieur de votre tête ! 😁

Vous êtes donc seule à savoir à quoi vous pensez, ce que vous ressentez et ce qu’une situation vous fait ressentir. Le seul moyen de briser cette chaîne : parler ! 

3. L’effet acteur / observateur :

Nous avons tendance à attribuer nos propres comportements à des circonstances extérieures (« j’étais stressé »), tandis que nous expliquons les actions des autres par des traits de personnalité (« il est simplement paresseux »). Cela reflète notre biais à nous excuser nous-mêmes tout en jugeant les autres plus sévèrement.

Pas très éloigné du biais égocentrique mais tellement symptomatique. Mon exemple préféré tant je m’y suis retrouvée. Vous tombez dans la rue ! Au-delà de ce sentiment de honte et de l’impression que tout le monde vous a vu et à profiter d’un spectacle gratuit 😂 Si vous êtes tombé, c’est bien de la faute du trottoir qui glissait ou du fait que vous étiez pressé. Si vous observez quelqu’un tomber. D’abord, pas sûr que ça vous fasse rire… Mais aussi, dans votre tête, c’est “sûrement” quelqu’un de maladroit

4. L’erreur fondamentale d’attribution

Dans le même esprit, nous avons tendance à ignorer les facteurs contextuels dans les actions des autres et à surestimer les traits de caractère. Nous blâmons facilement les autres pour leurs échecs, mais minimisons l’impact de leur environnement ou de la situation dans laquelle ils se trouvent.

Notre cerveau est par nature plus complaisant avec nous-même qu’avec l’autre. 

Piste d’amélioration #1 : Il faut apprendre à se détacher de son histoire individuelle et à observer les situations en y intégrant un ensemble plus large de preuves. Ne plus croire tout ce qu’on pense naturellement. 

Partie 2 : Notre mémoire exploite nos émotions

Gestion des émotions par notre cerveau - biais cognitifs

Aux impacts moins “négatifs” mais tout aussi réels, notre cerveau est très perméable à nos émotions. Il les utilise aussi pour simplifier son travail. 

Notre cerveau exploite nos émotions pour choisir quelles informations mémoriser en se basant sur leur intensité émotionnelle. Les événements qui génèrent des émotions fortes, positives ou négatives, sont plus susceptibles d’être mémorisés que les événements neutres. Des études ont prouvé que ce phénomène est lié à l’activation de l’amygdale, une région du cerveau impliquée dans le traitement des émotions, qui renforce la consolidation des souvenirs en fonction de leur charge émotionnelle. De plus, des expériences émotionnellement marquantes sont souvent associées à une meilleure rétention en raison de la règle du PIC/FIN, qui privilégie les moments d’intensité et la conclusion d’une expérience.

1. La règle PIC / FIN :

Nous ne retenons pas toute une expérience de manière égale. Nous nous souvenons principalement des moments forts (pic émotionnel) et de la fin de l’expérience. Cela explique pourquoi certaines expériences médiocres avec une bonne fin sont mieux perçues rétrospectivement que celles globalement positives avec une fin décevante.

Une grosse journée de pluie le dernier jour des vacances et c’est l’impression qui pourra l’emporter malgré les 14 autres jours 🙁 

Dorénavant, en organisant, un événement pensez toujours à organiser un moment de Pic et à faire de la fin un moment privilégié si vous voulez marquer les esprits de vos convives à tout jamais 😇

2. Le biais mnésique congruent à l’humeur :

Aussi puissant que le sentiment vécu au moment de l’événement, votre cerveau utilise aussi votre état d’esprit au moment où vous vous remémorez quelque chose. 

Si nous sommes tristes, nous avons tendance à nous souvenir d’événements passés tristes. Notre mémoire n’est donc pas objective, mais fortement liée à l’émotion ressentie au moment de la remémoration.

Nous sommes des créatures profondément émotionnelles. Pour retrouver un souvenir, notre cerveau le code en l’associant à une émotion. Plus l’émotion est forte, plus le souvenir sera vivace. 

3. L’écart d’empathie chaud / froid :

Ce biais illustre la difficulté que nous avons à maîtriser les impacts de facteurs physiques sur nos réactions émotionnelles. La faim et la soif sont les deux principales causes de fluctuation d’humeur dans la journée

Lorsqu’on est en colère, il est difficile de se rappeler à quoi ressemble le calme, et inversement. Notre capacité à prévoir nos émotions dans d’autres contextes (froid vs chaud) est souvent faussée. Notre capacité à nous mettre à la place des autres dans ce contexte est, elle aussi, très altérée. 

Des études ont montré que c’étaient rarement les personnes qui avaient vécu des difficultés comparables qui étaient le plus empathiques. Une personne qui s’est sortie d’une situation difficile aura spontanément cherché à “oublier”. Elle jugera plus durement les personnes qui sont dans la même situation. Considérant que, si elle a réussi à s’en sortir, les autres le pourrait également. C’est souvent le cas des anciens fumeurs par exemple. 

Piste d’amélioration #2 : Prenez l’habitude de vous poser la question de votre réaction. Si vous le pouvez, ne réagissez pas à chaud et ne jugez pas la situation par le prisme de vos émotions. 

Partie 3 : Gestion de la temporalité

1. Effet de récence

Vu déjà dans “Votre cerveau ne sait pas compter”, l’effet de récence désigne notre tendance à mieux mémoriser les dernières informations d’une séquence. Ce sont les plus fraîches dans notre esprit. 

Lorsqu’une expérience ou une liste d’événements se termine, les éléments récents sont encore en mémoire à court terme, ce qui leur permet d’être facilement accessibles et mieux mémorisés que ceux du milieu. Dans des situations comme une réunion ou une présentation, cet effet peut influencer la manière dont les informations finales sont perçues et retenues, souvent au détriment des premières informations.

2. Effet de télescopage :

Gestion du temps par notre cerveau

Nous avons tendance à confondre la temporalité des événements. Nous croyons parfois que des événements lointains se sont produits plus récemment ou, inversement, que des événements récents sont plus éloignés dans le temps. Cela est dû à la manière dont notre mémoire code le temps. Cela est dû aussi à la manière dont notre mémoire est sollicitée ou exposée à des informations. 

Les médias contribuent pour beaucoup à cette fabrication télescopée de nos souvenirs. Saurez-vous dire si Mère Teresa est morte avant ou après Lady Diana ?… Si je vous dis que Mère Teresa est morte une semaine après Lady Diana… La nouvelle de sa mort est passée tellement inaperçue malheureusement que nous ne sommes pas capables de la positionner dans le temps alors que nous savons plus, plus ou moins, ce que nous faisions le 31 août 1997.

3. Biais rétrospectif :

Finalement, notre cerveau a vite fait d’oublier qu’il connaissait la réponse avant de se faire un avis. C’est l’effet : “Je le savais”. Une distorsion des souvenirs de ce que l’on savait ou croyait savoir avant qu’un événement ne se produise.

Après qu’un événement se soit produit, nous avons tendance à croire qu’il était prévisible. Ce biais nous fait penser qu’avec le recul, nous « savions » que quelque chose allait arriver, ce qui fausse notre évaluation de nos capacités à prévoir les événements.

Nous sommes tous sujets à l’effet de fausse mémoire autobiographique. À force de nous raconter des anecdotes sur notre enfance, nos parents nous ont permis de reconstruire dans notre tête des souvenirs. Mais, la caractéristique de l’immense majorité des enfants c’est qu’ils ne naissent pas égocentriques 😂 et c’est ce qui fait que nous n’avons que très peu de “vrais” souvenirs de notre petite enfance 😉

Piste d’amélioration #3 : Remettez en cause vos impressions de “je le savais” ou vos souvenirs flous concernant la temporalité des événements. Revenez sur des faits objectifs. Se fier à des sources externes peut vous aider à vérifier ce que vous saviez vraiment et quand

Conclusion : Reconnaître un cerveau “fainéant” pour mieux s’en servir

En prenant conscience de ces différents biais, nous pouvons mieux comprendre les mécanismes par lesquels notre cerveau simplifie la réalité. Cela nous permet de reprendre le contrôle sur nos décisions, nos jugements et nos souvenirs. L’objectif n’est pas de lutter contre tous ces biais, mais de les connaître pour mieux naviguer dans notre quotidien et éviter de tomber dans leurs pièges, souvent invisibles mais influents.

Notre cerveau, en quête perpétuelle d’efficacité, nous conduit à adopter des raccourcis qui simplifient la complexité du monde, mais qui peuvent aussi fausser nos perceptions et nos décisions. En comprenant mieux ces biais cognitifs, liés à l’auto-centrisme, aux émotions et à la temporalité, nous sommes mieux armés pour ne pas tomber dans leurs pièges. Cela demande un effort de conscience, mais c’est une clé essentielle pour améliorer nos interactions, nos choix et, en fin de compte, notre qualité de vie.

Prenez le temps d’identifier vos propres biais. Comment influencent-ils vos décisions quotidiennes ? Quels biais avez-vous le plus remarqué dans votre propre expérience ? Testez-vous, remettez en question vos premières impressions et partagez vos réflexions avec moi dans les commentaires ou sur les réseaux sociaux pour continuer la conversation ! 🙂

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11 commentaires sur « Notre cerveau est fainéant… mais c’est pour notre bien ! »

  1. Article intéressant, merci 🙏
    J’aime bien tes petits encadrés « piste d’amélioration » 😃
    Ton article me fait penser au livre « Les quatre accords toltèques » de Don Miguel Ruiz.

  2. Merci pour cet article éclairant ! J’ai vraiment apprécié l’explication des biais cognitifs et leur rôle dans notre perception du monde. Les pistes d’amélioration sont très utiles pour mieux comprendre et gérer ces raccourcis mentaux. Hâte de lire d’autres articles sur le sujet !

  3. Très bel article! Je savais que nous avions des biais, mais alors 190 j’étais loin du compte ! :O
    J’adore le fait que tu proposes à chaque fois des pistes d’améliorations, car la liste peut être très intimidante sinon 🙂
    Encore merci pour ce petit tour dans les rouages fascinants de notre cerveau qui, s’il est fainéant, le fait d’abord pour notre bien 😉 (même si nos besoins ont évolués plus vite que lui !)

  4. Très bon article 🙂 Merci.
    J’ai appris pas mal de choses en le parcourant, et je reconnais toutes les situations que tu as évoquées. Je comprends mieux mon comportement dans tel ou tel moment 🙂
    Le cerveau est très habile pour « se décharger », et la remise en question constitue un travail dont il se passerait bien, je pense 🙂
    Allez, au travail cerveau fainéant, et encore merci pour ton article très instructif !

  5. Je trouve notre cerveau fascinant. Si on apprenait mieux à gérer nos biais dès l’enfance, je pense que le monde serait bien meilleur. Merci pour cet article qui nous fait nous remettre en question.

  6. TOP C’est incroyable de réaliser à quel point notre cerveau simplifie les choses pour nous protéger et économiser de l’énergie. Je me reconnais tellement dans certains biais, surtout l’illusion de transparence et l’effet acteur/observateur. Cela fait réfléchir sur nos réactions et la manière dont nous jugeons les situations. Un vrai déclic pour mieux comprendre nos comportements et prendre du recul. Bravo pour cette belle prise de conscience !

  7. J’ai eu beaucoup de moments « wow » et « tilt » en lisant cet article !

    L’exemple de la mélodie sifflée m’a fait beaucoup rire, car je peux tellement m’y identifier !

    « […] c’étaient rarement les personnes qui avaient vécu des difficultés comparables qui étaient le plus empathiques. Une personne qui s’est sortie d’une situation difficile aura spontanément cherché à “oublier”. »
    –> C’est qqch que j’avais déjà beaucoup remarqué et j’apprends maintenant que c’est un fait vérifié.

    L’effet « pic / fin » est très utile en marketing.

    Bref, merci Sophie pour cet excellent article riches en faits intéressants et exploitables sur notre cerveau ! J’ai pris bien du plaisir à le lire. 🙂

  8. Les biais cognitifs sont fascinants, surtout qu’ils sont mis au service du bien et du mieux. Je ne les connais pas tous mais j’avoue me servir de certains d’entre eux pour dynamiser les formations que je donne en entreprise.

  9. Ton article m’a fait sourire et réfléchir à la fois quand tu dis que notre cerveau est un ‘faignant stratégique’. Ça déculpabilise d’apprendre que notre tendance à choisir le chemin le plus simple est en fait un mécanisme de survie optimisé. On devrait presque le remercier de nous préserver !

  10. Ton article est puissant ! Tu expliques comment notre cerveau utilise des raccourcis, et c’est crucial de comprendre ça. Tu rends ça accessible ! Je vais pouvoir utiliser cette connaissance pour transformer mon quotidien et prendre de meilleures décisions. Je commence à piger comment je fonctionne 😊

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