Biais cognitifs en réunion, comment faire valoir votre voix
Les biais cognitifs en réunion, en particulier le biais cognitif de genre et le biais cognitif d’autorité, sont des filtres mentaux subtils qui influencent nos interactions professionnelles. Généralement involontaires, ils peuvent transformer une réunion en terrain miné pour celles et ceux qui en sont la cible.
Imaginez : vos idées sont coupées, reformulées, ou ignorées jusqu’à ce qu’elles soient reprises par un autre. Longtemps, j’ai pensé que le problème venait de moi. Jusqu’à ce que je comprenne qu’il s’agissait de biais cognitifs au travail — puissants, omniprésents, et… inconscients.
Il m’a fallu du temps pour admettre que c’était et c’est encore ma réalité quasi-quotidienne. Mais surtout, il m’a fallu du temps pour l’admettre : je suis “victime” des biais de genre et d’autorité. Alors, comme tout le monde, j’ai horreur d’être une victime mais il faut affronter le sujet. Car, loin d’être de simples perceptions, ces biais cognitifs en réunion et au travail en général ont des impacts concrets et néfastes, tant sur les individus que sur les organisations.
1. Reconnaître les principaux biais cognitifs en réunion
1.1 Le biais de genre
Ce biais cognitif en réunion se traduit par une perception et un traitement différents selon le genre.
L’étude de Kieran Snyder sur le “manterrupting” montre que les hommes interrompent 70 % plus souvent des femmes que d’autres hommes. Et, ironie du sort, les femmes elles-mêmes interrompent d’autres femmes dans 87 % des cas, mais très rarement des hommes.
Exemple vécu (tellement de fois que je ne saurais me les rappeler toutes) :
En pleine présentation, je me fais couper net par un collègue. Il reprend mon idée en la reformulant, moins clairement, mais reçoit toute l’attention. Ce n’était pas “de la parano”, c’était un biais de genre.
1.2 Le biais d’autorité
Le biais d’autorité pousse à accorder plus de poids aux paroles de ceux qui occupent une position hiérarchique élevée… même si le contenu est moins pertinent.
Dans son ouvrage, “Intelligence relationnelle et inclusion”, Laurent Depont enrichit le propos en évoquant les phénomènes de “rapport de force instinctif”, de biais d’autorité vous obtiendrez le biais du chef. Les collaborateurs sonta alors sujets à la peur et préfèrent proposer ce qu’ils pensent ne moins contrarié leur hiérarchie.
Exemple vécu :
Lors d’un séminaire, un manager m’interrompt systématiquement pour “traduire” mes propos au groupe. J’ai fini par m’excuser auprès de la salle pour ne pas être “assez claire” — ce qui a déclenché des rires et stoppé ses interventions. Le lendemain, il s’est excusé. Parfois, l’humour peut être une arme redoutable contre les biais cognitifs en réunion.
Les impacts psychologiques et organisationnels de ces situations sont aussi nombreux que logiques :
- Frustration, démotivation et sentiment d’injustice pour les victimes de biais.
- Moins de prise de parole des femmes et des minorités en réunion, limitant la diversité des points de vue.
- Décisions moins pertinentes et moins inclusives, pénalisant la performance collective.
- Mauvaise ambiance de travail et climat de défiance, nuisant à la cohésion d’équipe.
Bonus : Il existe aussi des biais cognitifs plus drôles mais tout aussi pénalisants pour les réunions (je les explique dans mon podcast) : – La loi de la futilité de parkinson qui impose de parler longuement des sujets les plus futiles et les moins techniques – L’effet Dunning Kruger qui emporte souvent le chef ou les sous-chefs d’ailleurs, ou quand l’incompétent se sent compétent – La pensée de groupe, ce moment où, dans une équipe, l’harmonie devient plus importante que la réflexion et où tout le monde s’accorde, mais pas toujours pour les bonnes raisons |
2. Stratégies pour déjouer les biais cognitifs au travail
Pour contrer ces biais cognitifs en réunion, la préparation est cruciale. Une préparation ponctuelle adéquate qu’est-ce que ça peut vouloir dire ?
- Soit vous vous préparez pour vous fabriquer la confiance nécessaire pour oser prendre la parole,
- Soit vous préparez soigneusement la réunion et vous la structurez de manière à donner à chacun l’opportunité de s’exprimer.
Et vous pouvez servir ces deux axes à la fois : avant une réunion, distribuez un ordre du jour détaillé et demandez à tous les participants de préparer leurs interventions à l’avance. Cela permet à chacun de venir préparé et de s’exprimer plus facilement.
Les enjeux pour vous sont de deux natures :
- Oser s’imposer pour une communication égalitaire
- Prendre la parole et leur permettre de la prendre avec assurance et impact
2.1 Comment se préparer pour s’affirmer
Les principaux axes de travail à développer et à encourager :
- Adopter un langage assertif et positif : “Je pense que…”, “Je propose que…”, “Je suis convaincue que…”.
- Affirmer sa présence physique : voix posée, regard franc, posture droite.
- Structurer ses interventions : une introduction claire, 2 ou 3 arguments, une conclusion.
- Utiliser un langage simple et direct : Éviter le jargon et les termes techniques.
- Ne pas hésiter à reformuler ses propos : “Pour clarifier, je voulais dire que…”
🎯 Objectif : réduire les interruptions et renforcer la crédibilité de chacun.
2.2 Poser ou demander des règles de réunion
Une réunion bien animée sera aussi importante qu’une réunion bien préparée. Pour cela vous pourrez proposer :
- Tour de parole : pour garantir que chacun s’exprime.
- Facilitateur de réunion : modère les échanges et rappelle les règles.
- Votes et méthodes participatives : pour équilibrer le poids des contributions.
- Ne pas hésiter à reformuler ses propos : “Pour clarifier, je voulais dire que…”
💡 Astuce : utilisez des grilles d’observation et des techniques de reformulation pour valider que chacun a été entendu.
3. Intervenir sans culpabiliser ni accuser
Il est beaucoup plus simple de voir les biais cognitifs des autres que les siens propres. Ce phénomène a même un nom : le biais de l’angle mort. Il faut donc apprendre à éclairer les autres de manière positive sur ces phénomènes hautement récurrents.
3.1 Mettre en lumière le biais sans pointer du doigt
Si vous remarquez qu’une idée exprimée par une collègue a été ignorée puis répétée par un homme et valorisée, faites remarquer cette dynamique. : “Je crois que Marie avait déjà proposé cette idée, on pourrait peut-être l’écouter plus en détail ?”
Cela rend le biais cognitif en réunion visible… sans créer de confrontation directe.
3.2 Prendre la parole avec bienveillance
Il est essentiel de ne pas se taire face aux biais cognitifs que vous pouvez observer. Attendez le bon moment pour intervenir, mais faites entendre votre voix. Cela peut signifier soutenir un collègue qui est interrompu ou souligner l’importance de considérer toutes les idées de manière équitable.
- Attendre le bon moment pour intervenir.
- Soutenir un(e) collègue interrompu(e) : “Pardon, je crois que Claire n’avait pas terminé.”
Deux règles simples :
- Parler en “je” plutôt qu’en “tu” ou “vous” pour éviter la perception d’accusation.
- Garder l’objectif collectif en tête plutôt que l’ego.
Et maintenez le cap sur vos propres objectifs :
- Gérer ses émotions : Prendre le temps de réfléchir avant de parler, respirer profondément, rester calme.
- Désamorcer les situations conflictuelles : Reformuler les propos agressifs, utiliser l’humour, faire preuve d’empathie.
- Communiquer avec respect : Écouter attentivement les autres, éviter les interruptions, utiliser un ton neutre et bienveillant.
4. Les impacts des biais cognitifs en réunion
Les biais cognitifs au travail lors des réunions ne se limitent pas à des désagréments personnels :
- Décisions moins pertinentes : diversité d’idées réduite.
- Démotivation : frustration et sentiment d’injustice.
- Climat de défiance : moins de cohésion d’équipe.
Changer les habitudes profite à tous : individus, équipes, organisations.
Conclusion
Déjouer les biais cognitifs en réunion, c’est avant tout :
- Les comprendre et les nommer.
- Préparer sa participation avec stratégie.
- Intervenir de manière assertive et respectueuse.
Plus nous serons nombreux à adopter ces réflexes, plus nos réunions deviendront des espaces équitables, productifs et inclusifs.
💬 Et vous ? Quel biais cognitif en réunion avez-vous déjà observé ? Comment avez-vous réagi ? Partagez votre expérience, elle pourrait inspirer d’autres.
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Merci pour ton article très intéressant. Les dynamiques de groupe sont passionantes et le milieu du travail peut parfois être bien dur. J’ai beaucoup aimé ton idée des jeux de rôles, cela se rapproche de ce que je propose en constellations systémiques pour désamorcer des conflits dans un groupe et comprendre les points de vue de chacun 🙂
Merci Sophie pour tous ces conseils.
Je travaille dans les enquêtes en ligne et l’emailing.
Dans les enquêtes, les biais sont aussi un problème et pour le résoudre, nous utilisons aussi des tactiques. Le problème est similaire à celui des réunions : obtenir de l’information à traiter de qualité.
La réunion doit être concise et permettre de récupérer les meilleures idées sur le sujet proposé.
Merci pour ce passionnant article. Ayant été directeur d’école, j’ai mené de nombreuses réunions dans un milieu très féminin… et très protégé du sexisme latent. Hélas, j’ai toutefois pu rencontrer (et gérer) le type de dérives que tu décris, et qui nuisent au bien-être et à la productivité. Restons vigilantes et vigilants !
Merci pour ton article ! Pour avoir participé à de nombreuses réunions dans des cadres divers, et avec toutes sortes de casquettes, j’observe qu’il y a beaucoup de gestion à effectuer, sur soi-même, sur ses pairs, et de façon globale lorsqu’on a en charge la menée des travaux. Merci pour ce récapitulatif compet et pour les pistes que tu donnes !
Merci pour cet article très complet et très pédagogique. J’ai beaucoup aimé et je ne peux m’empêcher de faire le lien avec une classe et des élèves. En tant que professeur, je joue ce rôle d’enseignement et de médiation citoyenne, dont le but est le vivre ensemble, où chacun puisse s’exprimer librement.
Merci beaucoup pour ton article.T es explications sur les biais inconscients et leurs impacts en réunion sont intéressantes. Les exemples concrets et les solutions proposées pour y faire face me semblent particulièrement utiles.
Merci pour cet article et surtout les nombreuses situations analysées et commentées qui aident à bien comprendre. J’adore les articles sur les biais car nous y sommes tous soumis malgré nous et en prendre conscience est déjà le 1er petit pas !
J’adore le titre du blog !!!