Imaginez une femme brillante, compétente et accomplie dans son domaine. Son CV regorge de réalisations remarquables, ses collègues la respectent et ses supérieurs la félicitent. Pourtant, en dépit de ce succès apparent, elle est rongée par un doute lancinant : « Suis-je vraiment à la hauteur ? N’ai-je pas simplement eu de la chance ? Ne vont-ils pas bientôt découvrir que je suis une imposture ? »
Ce sentiment d’illégitimité, cette peur constante d’être démasquée, n’est pas une fiction mais une réalité. Je l’ai vécue et vous aussi sans doute. C’est une réalité pour de nombreuses femmes dans leur vie professionnelle. Il s’agit du syndrome de l’imposteur, un phénomène qui touche un nombre considérable de femmes, freinant leur progression.
De mon côté, j’ai compris qu’elle se manifestait de manière insidieuse. Ainsi, j’étais fière de pouvoir dire que je n’avais jamais obtenu de promotion avant d’avoir prouvé que j’occupais déjà le poste. Ce qui confère bien à confirmer que nous ne postulons pas à des postes sans remplir 100% de leurs critères contrairement à nos homologues masculins1.
Loin d’être une simple impression passagère, le syndrome de l’imposteur se manifeste par des comportements et des pensées bien précis. Il faut noter aussi que syndrome est aggravé par des facteurs externes qui l’amplifient.
La bonne nouvelle est que le syndrome de l’imposteur n’est pas une fatalité. Il est possible de le surmonter en identifiant ses causes, en comprenant ses manifestations et leurs conséquences. Apprenons à nous faire confiance !
I. Les causes du syndrome de l’imposteur au féminin : un terreau complexe et aggravé.
Le syndrome de l’imposteur ne naît pas du vide. Il trouve sa source dans un terreau complexe de facteurs socioculturels, familiaux et personnels qui contribuent à nourrir le doute de soi chez les femmes.
1. Les stéréotypes de genre : un carcan invisible
Dès leur plus jeune âge, les femmes sont confrontées à des stéréotypes de genre qui peut les conditionner à douter de leurs capacités. La société les encourage à être douces, conciliantes, à privilégier les relations aux ambitions et à exceller dans tous les domaines. Ces messages, implicites et explicites, sapent leur confiance en soi. Ils les éloignent des domaines traditionnellement associés à la réussite masculine.
Le mythe de la femme parfaite nous impose un rythme effréné et de fait épuisant. Il est souvent bien plus difficile de briser les perceptions plutôt que les faits.
Plusieurs études ont démontré que, même si les performances des filles et des garçons étaient équivalentes en mathématiques, la perception qu’ils peuvent avoir de leur niveau est très différentes. Une étude de l’Université de Leeds au Royaume-Uni prouve que 60% des jeunes filles estiment que les garçons sont plus aptes à exceller en mathématiques et en sciences. Cette perception négative de leurs compétences limite leurs choix d’études et d’orientation professionnelle.
Et parfois des faits externes, conjugués à des perceptions profondes, peuvent accroître sensiblement et durablement les fossés. La réforme du baccalauréat de 2019, en faisant des mathématiques une option, a fait reculé de 20 ans le niveau de présence des lycéennes en terminal S !
2. Le manque de modèles féminins inspirants : un miroir déformant
Le manque de modèles féminins inspirants peut également contribuer au syndrome de l’imposteur. Ne pas voir d’autres femmes réussir dans ces domaines peut les amener à douter de leurs propres chances de réussite.
Une étude de l’Université de Stanford a révélé que les femmes exposées à des modèles féminins étaient plus susceptibles d’avoir confiance en leurs capacités et de persévérer face aux obstacles.
Ajoutons à cela, l’amplification de ce phénomène causé par l’effet Matilda qui veut que la contribution des femmes scientifiques à la recherche soit souvent minimisée au profit des hommes. Qui a entendu parlé de Mileva, l’épouse d’Albert Einstein, qui a co-écrit certaines de ses plus célèbres publications ?
On comprend bien que le syndrome de l’imposteur chez les femmes n’est pas une simple question de personnalité. Il est le résultat d’un ensemble complexe de facteurs socioculturels, familiaux et personnels qui, progressivement, sapent la confiance en soi.
II. Les manifestations du syndrome de l’imposteur au féminin : un masque invisible sur le succès
Le syndrome de l’imposteur ne se manifeste pas de manière uniforme chez toutes les femmes. Cependant, certains comportements et pensées caractéristiques permettent de l’identifier. Réfléchissez à chacune de ses propositions, je suis sûre que vous pourrez trouver un moment où vous l’avez déjà fait !
1. La remise en question constante de ses compétences et l’honnêteté exacerbée
Remettre en question ses compétences, même après avoir obtenu des succès remarquables. Minimiser ses réalisations, les attribuer à la chance ou à des facteurs externes.
Une femme qui reçoit une promotion au travail peut se sentir illégitime à ce nouveau poste. Elle va craindre de ne pas être à la hauteur des attentes. Elle peut douter de ses capacités et se convaincre qu’elle ne mérite pas cette promotion.
De mon côté, j’ai souvent pris le parti de placer toutes mes réalisations comme des succès du collectif avant tout. Cela me semblait tellement naturel ! Je ne mesurais pas les conséquences que cela pouvait avoir pour moi individuellement.
Je trouvais également tellement normal d’assumer mes incompétences et mon objectif d’apprentissage. J’ai mis des années à comprendre les impacts de la première impression. Quand on arrive en terrain conquis, en expert, on ne souffre d’aucune remise en cause. La modestie ne paie pas. Alors, si vous l’avez, chevillée au corps, résistez !
2. La comparaison permanente aux autres et la banalisation des compétences
Se comparer constamment aux autres, en particulier à celles qui semblent plus accomplies que soi. Se focaliser sur les réussites des autres et minimiser ses propres réalisations alimente un sentiment d’inadéquation.
La vie peut apparaître comme une sorte de miroir déformant permanent. Une femme qui participe à une conférence professionnelle peut se sentir découragée par les présentations des autres intervenants. Elle se persuadera que ses propres idées ne sont pas aussi intéressantes ou pertinentes.
Chez moi, c’était le sentiment que, si je le savais, c’était que ce savoir était communément transmis. C’est confrontée à des expériences de formatrices que j’ai compris que mon savoir n’était peut-être pas si commun.
3. L’autocritique excessive et la peur de l’échec
Les femmes qui souffrent du syndrome de l’imposteur sont extrêmement critiques envers elles-mêmes. Elles focalisent sur leurs erreurs et imperfections, minimisant leurs points forts et leurs réalisations. Elles ont également une peur démesurée de l’échec, ce qui les freine dans la prise de risques et les empêche de saisir des opportunités.
Une femme qui envisage de postuler à un nouveau poste peut hésiter par peur de ne pas être sélectionnée ou de ne pas réussir à l’entretien. Elle peut se convaincre qu’elle n’a pas les compétences requises ou qu’elle ne sera pas à la hauteur des attentes.
Ajoutons à cela que les statistiques prouvent qu’il est plus difficile pour une femme d’obtenir une promotion même si elle l’a demande et vous confirmez à toutes les autres qu’elles ont raison de douter ! Moins de femmes postulent, moins de femmes témoignent de l’expérience nécessaire, moins de femmes obtiennent la promotion. C’est le serpent qui se mord la queue…
Le syndrome de l’imposteur peut se manifester chez les femmes par une variété de comportements et de pensées. Encouragé par des facteurs externes répétitifs, il sape leur confiance en soi et limitent leur potentiel. Il est important de reconnaître ces symptômes et de prendre des mesures pour les surmonter.
III. Les conséquences du syndrome de l’imposteur au féminin : un frein invisible à l’épanouissement
Le syndrome de l’imposteur n’est pas sans conséquences sur la vie des femmes, en particulier dans leur sphère professionnelle. Il agit comme un frein invisible qui les empêche de s’épanouir pleinement.
1. Un impact négatif sur la progression professionnelle
Le syndrome de l’imposteur peut avoir un impact considérable sur la progression professionnelle des femmes. Les femmes qui en souffrent ont tendance à :
- Refuser des promotions ou des opportunités d’avancement par peur de ne pas être à la hauteur.
- Se sous-estimer lors des négociations salariales, acceptant des rémunérations inférieures à leurs compétences et à leur expérience.
- Manquer de confiance en leurs idées et hésiter à les partager, ce qui les prive de visibilité et de reconnaissance.
- Se décourager facilement face aux obstacles et abandonner plus rapidement leurs projets.
Pour autant, on associe peut-être trop simplement le manque d’ambition au syndrome de l’imposteur. Cela incite les femmes à douter de leurs capacités et à se limiter dans leurs aspirations professionnelles mais il faut pouvoir observer ce phénomène dans sa globalité :
- Selon une étude du McKinsey Global Institute les femmes sont deux fois moins susceptibles que les hommes de postuler à une promotion. Ajoutons à cela que, même si elles sont tous les ans plus ambitieuses, elles ont encore 33% de chance en moins d’être promues qu’un homme. On peut aisément comprendre que cela les limite dans leurs aspirations professionnelles.
- Il en va exactement de même pour les demandes d’augmentation de salaires. Il est beaucoup plus difficile pour une femme et de la demander et de l’obtenir. Une étude au Royaume-Uni a démontré que seules 33% des femmes ayant osé demandé une augmentation l’ont obtenu contre 43% des hommes.
Il faut donc adresser les deux phénomènes systématiquement pour garantir l’amélioration de la situation.
2. Des freins à la prise de parole et à la prise de risque
Le syndrome de l’imposteur peut également freiner les femmes dans des domaines clés tels que la prise de parole, la négociation et la prise de risque.
- La peur de parler en public est fréquente chez les femmes qui souffrent du syndrome de l’imposteur. Elles craignent d’être jugées négativement ou de faire des erreurs, ce qui les empêche de partager leurs idées et de se faire entendre.
- La prise de risque est essentielle pour progresser dans sa carrière, mais elle peut être paralysante pour les femmes qui souffrent du syndrome de l’imposteur. Elles craignent l’échec et hésitent à sortir de leur zone de confort, ce qui limite leurs opportunités de développement professionnel.
Alors attention, je ne ferai jamais de généralisation, mais on ne peut pas nier l’existence de phénomène de type “manterrupting« 2. Nous évoluons quotidiennement dans une société, individuellement équitable, mais souvent inéquitable collectivement. Mon expérience personnelle m’a souvent prouvé que la bienveillance individuelle de mes managers hommes ne pouvait pas s’affranchir d’une forme latente de sexisme collectif pour lequel j’étais d’ailleurs une actrice très active à mon insu.
Pour accepter de prendre des risques et oser prendre la parole, il faut déployer des efforts contre nature quand tu es femme !
Conclusion : briser le silence et s’épanouir
Vous l’aurez compris, le syndrome de l’imposteur n’est pas une simple question de personnalité. C’est un phénomène complexe aux racines profondes, nourri par des stéréotypes de genre, des pressions sociales et sociétales et des exigences professionnelles élevées. Il est temps de reconnaître et de nommer ce syndrome qui affecte des millions de femmes, les privant de leur confiance en soi et limitant leur potentiel.
Face à ce défi, une mobilisation collective est nécessaire.
Le message d’espoir est pourtant tout aussi clair : le syndrome de l’imposteur n’est pas une fatalité. En identifiant ses manifestations, en déconstruisant les pensées négatives et en s’entourant d’un réseau de soutien, les femmes peuvent surmonter ce défi et s’épanouir pleinement.
La première force à développer ensemble : prendre du recul sur les situations, de les analyser a posteriori et a priori pour déterminer notre rôle et ses conséquences immédiates.
#syndrome de l’imposteur #inclusion #femmes au travail
- Pour postuler, une femme estime qu’elle doit répondre à 100 % des critères, là où un homme se contentera de 60 % – Étude LinkedIn, « Différence hommes-femmes dans la recherche d’emploi : quelle influence sur le parcours des candidats ? », publiée le 14 mai 2019 ↩︎
- Néologisme féministe américain qui désigne le comportement consistant, pour un homme, à couper la parole à une femme lors de discussions ou de débats en raison du genre de son interlocutrice. ↩︎
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Tu soulèves des arguments très justes, merci pour ce partage !
On attend des petites filles qu’elles soient « calmes et appliquées »… Pourquoi ne pas attendre cela d’un garçon ? C’est trop souvent ce qui traîne dans l’air et arrive aux petites oreilles de nos chères têtes blondes. On en arrive au perfectionnisme féminin, qui entretient cette peur irrationnelle de parler en public et d’être jugée. Une petite fille sage apprend ses leçons et sait répondre aux questions. Une « grande fille » doit connaître son sujet et déjouer toutes les questions pièges, ce qui l’amène à s’épuiser mentalement et émotionnellement.
Merci les parents pour cet héritage !
C’était quelque chose de très fort en moi jusqu’à ce que j’en prenne connaissance. Aujourd’hui, il y a toujours un petit quelque chose dans le coin de ma tête, mais je le rationnalise et j’arrive à le faire taire.
Il faut savoir que si vous ressentez cela, ce n’est pas de votre faute ! C’est un poids transrationnel que nous avons ancré dans notre ADN de génération en génération. Et qui est amplifié par l’Histoire récente. Prenez confiance en vous et foncez !
Mon meilleur conseil serait : et au pire, si ça se passe pas comme je le veux, qu’est-ce que je risque ? Vous verrez que dans la plupart des cas, il ne se passera ABSOLUMENT RIEN ! 🙂