Le mythe du multitâche féminin

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Introduction : “Tu sais faire tellement de choses, je ne sais plus quoi te faire faire”

Les stéréotypes ont une manière insidieuse de s’habiller en compliments. Parmi eux, le mythe du multitâche féminin dissimule des attentes injustes et des pressions insidieuses. Nous sommes : cette virtuose capable de jongler entre réunions, devoirs des enfants et dîners improvisés, sans faillir. 🎭

Mais ce prétendu hommage est à double tranchant. Sous couvert de flatterie, il devient une excuse pour surcharger les femmes, au travail comme à la maison, tout en perpétuant des rôles genrés rigides. C’est un peu comme recevoir un trophée en plomb : flatteur en apparence, mais bien lourd à porter.

J’ai moi-même été enfermée dans ce stéréotype. Un jour, mon supérieur m’a lancé, en guise de « reconnaissance » : « Tu sais faire tellement de choses, je ne sais plus quoi te faire faire. » Ce même jour, une promotion que j’espérais tant me passait sous le nez. J’étais championne toute catégorie du multitâche, fière de l’être… et pourtant, si fatiguée.

Et le pire ? Cette croyance repose sur des bases scientifiques fragiles, souvent déformées pour conforter des normes sociales plutôt que pour refléter la réalité. En y croyant, on oublie l’essentiel : ce que cela coûte aux femmes et comment cela façonne nos attentes, parfois sans même que nous en soyons conscients.

Et si nous arrêtions de mesurer la valeur des femmes à leur capacité à tout faire, tout le temps ? Dans cet article, déconstruisons ce mythe et explorons des alternatives pour valoriser les talents sans les enfermer dans des cases.

Partie 1. Le mythe du multitâche féminin : une illusion qui enferme

1. Pourquoi cette croyance est un problème

1.1. Un stéréotype qui enferme

  • Ce que l’on dit : « Les femmes sont multitâches, elles gèrent tout mieux. »
  • Ce que cela cache : Une justification sournoise pour perpétuer les rôles genrés et alourdir leur charge.

Dans les foyers comme dans les bureaux, ce mythe du multitâche féminin dicte aux femmes qu’elles doivent jongler avec une infinité de responsabilités sans jamais faillir. Mais à quel prix ? Leur bien-être et leur équilibre personnel sont les premières victimes de cette logique implacable. Ce « compliment », fruit d’un biais de genre, devient une injonction silencieuse, les enfermant dans une spirale de perfectionnisme et d’épuisement.

1.2. Un argument pour en demander toujours plus 

Ce mythe sert d’alibi parfait : « Elle s’en sort si bien, pourquoi ne pas lui confier cette tâche supplémentaire ? » Si vous êtes une femme, vous avez sûrement vécu ce moment où l’on vous attribue une mission supplémentaire — un projet, un anniversaire à organiser, un dîner à préparer — sous prétexte que vous gérez tout avec brio. En réalité, ce surplus de travail repose sur une croyance qui légitime une inégalité criante dans la répartition des tâches.

2. Une base scientifique fragile

La science, souvent invoquée pour justifier cette supériorité multitâche des femmes, est loin d’être aussi tranchée qu’on le croit.Ce que nous appelons le mythe multitâche féminin ne reflète pas une compétence biologique, mais une construction sociale aux effets néfastes

2.1. Aucune preuve biologique solide 

Les études neuropsychologiques les plus rigoureuses ne trouvent aucune différence biologique claire entre hommes et femmes dans leur capacité à gérer plusieurs tâches simultanément. Ce qui est interprété comme une « compétence féminine » découle en réalité d’un entraînement social : les femmes sont plus souvent placées dans des situations où elles doivent gérer plusieurs responsabilités.

2.2. Une illusion entretenue par les normes sociales 

Le biais d’attribution joue un rôle clé ici : les femmes réussissent souvent à jongler entre plusieurs tâches non pas parce qu’elles sont biologiquement programmées pour cela, mais parce qu’elles n’ont pas le choix. Ce « succès apparent » est le fruit d’une pression sociale constante, qui transforme leur résilience en une « compétence naturelle ».

🔍 Étude clé : Une recherche publiée dans PLOS ONE en 2019 démontre que les hommes et les femmes subissent la même baisse d’efficacité cognitive lorsqu’ils tentent de gérer plusieurs tâches simultanément. Le multitâche n’est donc pas une compétence innée, mais une surcharge qui affecte tout le monde de manière comparable.

3. Ce que disent les données réelles

Il est important de déconstruire le mythe du multitâche féminin grâce aux données scientifiques. Il est aussi intéressant d’ajouter que c’est même les performances du multitâche en général qui sont de plus en plus remises en cause. 

3.1. Les différences sont situationnelles, pas biologiques 

Les variations perçues dans la capacité à être multitâche ne sont pas des différences innées, mais des réponses à des contextes spécifiques. Le mythe du multitâche féminin tient donc plus du fait que les femmes, davantage exposées aux rôles multiples (professionnel, domestique, émotionnel). Elles ont donc développé des stratégies d’adaptation. Cela ne signifie pas qu’elles sont biologiquement mieux équipées pour ce type de gestion.

3.2. Des conséquences néfastes pour tous

  • Le multitâche, en général, est une mauvaise idée pour n’importe quel cerveau. Il augmente les erreurs, diminue l’efficacité et génère un stress inutile.
  • Pour les femmes, l’impact est aggravé par la charge mentale supplémentaire que ce stéréotype impose : le travail invisible (suivi des rendez-vous, gestion des conflits, anticipations) alourdit leur quotidien.

🔍 Étude clé : Le multitâche peut avoir un effet négatif sur notre cerveau et notre productivité. Une étude du Bryan College qui a découvert que le multitâche coûte 450 millions de dollars aux entreprises dans le monde. Le QI diminue de 15 points à cause du multitâche pendant les activités cognitives.

En conclusion de cette première partie

Le mythe de la femme multitâche est une illusion savamment entretenue qui, sous couvert de compliments, cache des attentes inégalitaires et des pressions insidieuses. Il n’est pas seulement faux ; il est nocif. Les données scientifiques, bien loin de conforter cette idée, montrent que le multitâche est une pratique contre-productive pour tout cerveau humain.

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Partie 2. Ce que les études et la réalité révèlent point par point

1. Une illusion créée par les rôles genrés

  • Pourquoi cette idée persiste
    Les attentes sociales ont historiquement assigné aux femmes une double (ou triple) journée : travail, gestion domestique, et charge émotionnelle. Dans ce contexte, jongler entre plusieurs responsabilités n’est pas une compétence, mais une nécessité.
  • Ce que cela engendre
    Les femmes sont félicitées pour leur « efficacité multitâche », mais cette reconnaissance ne s’accompagne pas d’un allègement des responsabilités. Au contraire, elle justifie souvent de leur en demander davantage.

🔍 Exemple réel : Une enquête de l’INSEE révèle que les femmes en couple effectuent en moyenne 65 % des tâches domestiques, même lorsqu’elles travaillent à temps plein. Ce déséquilibre repose sur l’idée qu’elles sont « mieux équipées » pour gérer ces charges.

2. Les limites cognitives du multitâche

  • Ce que dit la science
    Le cerveau humain, indépendamment du genre, n’est pas conçu pour gérer plusieurs tâches simultanément de manière efficace. Lorsqu’il passe rapidement d’une tâche à l’autre, il perd du temps et de l’énergie dans ce que les neuroscientifiques appellent le « coût du changement de tâche ».
  • Les conséquences du multitâche
    • Diminution de la qualité du travail : Les erreurs sont plus fréquentes.
    • Augmentation du stress : Le multitâche sur-sollicite le système cognitif et génère de la fatigue mentale.
    • Impact sur la santé mentale : Les femmes, exposées à des attentes élevées de multitâche, sont particulièrement sujettes à la surcharge mentale et à l’épuisement.

🔍 Étude clé : Le fait de mener plusieurs tâches décisives en parallèle fait chuter votre performance globale de 20 à 50% tout en allongeant le temps de réalisation de 30% à 200% et en multipliant le nombre d’erreurs réalisées.

3. Les conséquences néfastes de ce stéréotype

  • Une charge mentale accrue
    La charge mentale ne se limite pas à exécuter des tâches : c’est l’effort constant pour planifier, organiser et anticiper. Les femmes se sentent souvent responsables de « penser à tout« , un fardeau invisible mais écrasant.
  • Une justification de l’injustice
    L’idée que les femmes sont « naturellement multitâches » devient une excuse pour perpétuer des inégalités à la maison et au travail. Pourquoi répartir équitablement les tâches si elles « s’en sortent mieux » ?

🔍 Exemple concret : Une étude menée par Harvard Business Review (2020) a montré que les femmes managers étaient systématiquement perçues comme plus « capables » de gérer des situations chaotiques. C’est aussi présenté comme le phénomène de la Falaise de Verre. Cela les expose à plus de responsabilités émotionnelles sans progression équitable dans leur carrière.

4. La confusion entre compétence et nécessité

  • Un cercle vicieux
    Les femmes ne sont pas multitâches par choix, mais parce qu’elles y sont contraintes. La répétition de ces situations leur permet de développer des stratégies d’adaptation, mais cela ne signifie pas que cette pression soit souhaitable ou soutenable.
  • Un coût émotionnel caché
    Cette « compétence » forcée entraîne souvent une fatigue émotionnelle et physique. Ce n’est pas un signe de supériorité, mais un appel à une répartition plus équitable des charges.

🔍 Exemple concret : Dans une expérience menée par l’Université de Zurich (2020), hommes et femmes soumis aux mêmes charges multitâches ont montré des niveaux similaires de stress et de baisse de performance, soulignant que le genre n’est pas un facteur déterminant.

En conclusion de cette partie

Le multitâche n’est pas une compétence naturelle mais une réponse à des pressions sociétales déséquilibrées. Les femmes réussissent souvent dans cet exercice parce qu’elles n’ont pas le choix, mais cela ne justifie en rien de perpétuer cette injustice. Les données montrent clairement que tout cerveau humain, homme ou femme, est plus efficace et plus heureux lorsqu’il est libéré de la surcharge du multitâche.

Partie 3. Abandonner le mythe du multitâche féminin : un appel à l’équilibre

Après avoir déconstruit le mythe du multitâche, il est essentiel de proposer une alternative constructive. Abandonner l’idée que le multitâche est une force ou un critère de performance ne signifie pas faire moins, mais faire différemment. Voici quelques pistes concrètes pour un changement positif et équitable.

1. Redistribuer équitablement les responsabilités

  • Sortir du « c’est plus facile si elle le fait »
    Ce raisonnement perpétue la charge mentale sur les femmes. À la maison comme au travail, une répartition équitable des tâches repose sur une communication claire et sur le refus des automatismes genrés.
  • Mettre en place des outils d’organisation collective
    Plutôt que de tout confier à une seule personne, intégrer des outils comme des plannings partagés, des réunions d’organisation, ou des applications collaboratives pour répartir équitablement les responsabilités.

2. Réduire la charge mentale pour tous

  • Former à reconnaître et répartir la charge mentale
    Beaucoup de personnes ne réalisent même pas qu’elles imposent cette charge aux autres. Sensibiliser sur ce sujet, à travers des ateliers ou des formations, peut changer les comportements.
  • Simplifier les processus
    Au travail, réduire les attentes de multitâche en adoptant des environnements simplifiés et des priorités claires. À la maison, clarifier qui fait quoi et s’y tenir.

🛠 Outil pratique : L’utilisation de la matrice d’Eisenhower peut aider à distinguer ce qui est urgent et important de ce qui peut être délégué ou ignoré. 

Matrice D'einsehower

3. Valoriser le monotâche comme compétence clé

  • Changer la culture du « toujours plus »
    Encourager des environnements où la concentration et la qualité priment sur la quantité ou la vitesse. Montrer que se concentrer sur une tâche à la fois conduit à de meilleurs résultats.
  • Former à la pleine conscience dans l’action
    Le monotâche, combiné à des pratiques comme la pleine conscience, peut réduire le stress et améliorer la satisfaction dans le travail et la vie quotidienne.

🛠 Exemple pratique : Google a intégré des séances de mindfulness dans certaines équipes. Ils ont constaté une réduction de 32 % du stress chez les participants, ainsi qu’une augmentation significative de leur capacité à se concentrer.

En conclusion : Mettre fin au mythe du multitâche féminin, c’est accepter que cette pression constante n’a rien de naturel.

L’abandon du multitâche comme objectif de performance est une libération, non seulement pour les femmes, mais pour tous. Redistribuer les responsabilités, réduire la charge mentale, et valoriser le monotâche créent des environnements plus justes et plus efficaces. Ce n’est pas une question de faire moins, mais de faire mieux, ensemble.

Déconstruire le mythe du multitâche féminin ne signifie pas diminuer les femmes, mais au contraire reconnaître que la pression qu’elles subissent est injuste et évitable. La valorisation d’un leadership inclusif, basé sur des responsabilités partagées et une gestion réfléchie des priorités, profite à tout le monde.

Alors, que diriez-vous de laisser le multitâche au passé et de construire un présent plus équilibré, où chacun peut briller sans être surchargé ? 🌟

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15 commentaires sur « Le mythe du multitâche féminin »

  1. Merci pour cet article éclairant !
    C’est vrai que je ne me suis jamais posé la question de savoir si cette capacité à faire du multitâche était scientifiquement prouvée ou non. Et tu nous as démontré que ce n’était pas le cas, mais le fruit de la pression sociale !
    Je te joins un article intéressant sur la gestion de la charge mentale des femmes si ça t’intéresse : https://origami-mama.fr/comment-reduire-sa-charge-mentale-en-5-etapes/

  2. Merci pour cet article puissant et éclairant !
    Déconstruire le mythe du multitâche féminin, c’est un pas vers plus d’équité et moins de pressions inutiles.
    Il est temps de valoriser le partage des responsabilités et de reconnaître le vrai coût de cette surcharge. Bravo pour cette réflexion essentielle !

  3. Je rejoins complètement votre point de vue. D’ailleurs je trouve que le sujet est très bien choisi 🙂 Les femmes sont enfermés dans des stereotypes qui résistent malgré l’évolution de la société. À qui profite le crime ?

  4. Merci pour cet article très intéressant. Le mythe du multitâche féminin est en effet une idée reçue qui, sous couvert de compliment, cache des pressions injustes. J’apprécie la clarté des arguments et les solutions proposées pour favoriser un meilleur équilibre.

  5. Merci pour cet article qui décrit bien un phénomène de société. Heureusement, petit à petit, l’organisation du foyer change.

  6. Je l’ai toujours su. Je n’ai jamais compris comment on pouvait être concentré correctement sur plusieurs tâches en même temps. Dans tous les cas, ton article me permettra d’avoir une preuve à donner à ceux qui n’y croient pas :p

  7. MERCI pour cet article ! J’ai découvert tout ça il y a 4 ou 5 ans seulement, et c’est libérateur de se rendre compte qu’on n’est pas sensée être des superwomen et que le prix à payer en charge mentale explique beaucoup, beaucoup de choses. Un article qui mérite d’être connu, je vais le partager autour de moi 🙂

  8. J’adore, j’applaudis 👏 et je te dis merci ! 🙌
    J’ai enfin des arguments à opposer quand on me parle de cette « légende », moi qui me sens toujours éparpillée dès que je fais du multitâche.

    Comme l’a dit Sabine dans un commentaire précédent : ton article est libérateur. ✨
    Et après les pantoufles de plomb, je découvre le trophée de plomb. Ceux-là, je vais vite les virer de ma cheminée pour les jeter avec les pantoufles ! (Bon courage pour soulever mon sac poubelle 😉).

  9. Eh bien pour une fois, j’ai détesté ton article. En tant que directeur d’école, homme évoluant dans un milieu essentiellement féminin, je ne reconnais rien de mon quotidien dans ce que tu décris, bien au contraire. Si je suis d’accord sur l’aspect situationnel et non pas biologique des aptitudes multitâches, et encore plus sur l’aspect systémique du problème, le fait d’apposer « féminin » à « multitâche » est carrément un propos sexiste. Je connais de nombreux hommes (j’en fais partie) comme de femmes dont on attend (et dont on exige aussi) une soumission multitâche au travail ou dans la vie quotidienne. C’est là que se situe le problème, et il dépasse la question du genre.

  10. Et bien j’ai envoyé ton article à une dizaine de personnes !! 😉
    Ensuite, je vais revoir ma liste de tâches à la baisse…
    Merci d’avoir abordé cette croyance qui nous enferme dans nos rôles genrés et injustes.

  11. Le mythe du multitâche féminin est bien décortiqué dans cet article. Les idées reçues autour de la capacité des femmes à tout faire en même temps, met en lumière des vérités souvent ignorées. Cet article nous invite à réfléchir sur notre propre perception du multitâche et nous incite à remettre en question les stéréotypes de genre ancrés dans notre société. Une lecture essentielle !

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