Je voudrais vous parler d’une femme brillante. Une femme qui travaille dur, qui doute souvent, mais qui avance. Une femme qui réussit, et qui pourtant a cette petite voix à l’intérieur qui lui dit : “Tu as eu de la chance. Tu n’es pas vraiment légitime.” Est-elle victime du syndrome de l’imposteur chez les femmes ?
Peut-être que cette femme, c’est vous. En tout cas, ça a été moi pendant longtemps et certains matins encore…
Le syndrome de l’imposteur touche une majorité de femmes, et pourtant, il reste largement passé sous silence. Je vous ai déjà présenté les origines et les biais cognitifs qui l’alimentent, je vous propose de regarder en face ce qui, pour nous les femmes, renforce ce doute chronique. En quoi les stéréotypes de genre, le manque de modèles, les biais cognitifs que nous avons parfois nous-mêmes intégrés pèsent lourd sur notre confiance et notre image.
Ce n’est pas une fatalité. Mais pour remettre du mouvement là où tout semble figé, il faut d’abord nommer ce qui nous entrave. Agir pour vaincre le syndrome de l’imposteur.
Les causes du syndrome de l’imposteur chez les femmes
Les stéréotypes de genre : un cadre invisible, mais bien réel
Dès l’enfance, les femmes sont confrontées à un double message : “Tu peux tout faire”, mais aussi “Sois gentille, reste modeste, ne dérange pas.” Ce paradoxe est un terreau fertile pour le doute.
Prenons l’exemple des compétences scientifiques. Une étude de l’Université de Leeds au Royaume-Uni prouve que 60% des jeunes filles estiment que les garçons sont plus aptes à exceller en mathématiques et en sciences. Cette perception négative de leurs compétences limite leurs choix d’études et d’orientation professionnelle.
En France, la réforme du bac de 2019 a contribué à renforcer ces écarts : les filles se dirigent moins vers les spécialités scientifiques, non pas par manque de capacité, mais par désidentification progressive.
Elle a fait reculé de 20 ans le niveau de présence des lycéennes en terminal S !
Et ce phénomène ne s’arrête pas là. Dans les entreprises, dans les médias, dans la culture, la norme de compétence reste majoritairement masculine. On attend des femmes qu’elles soient performantes… sans faire de vagues.
J’en parle en détail plus en détails dans “Syndrome de l’imposteur : comprendre les biais cognitifs et les stéréotypes qui l’alimentent pour le dépasser”. Nous intégrons ces filtres, parfois à notre insu.
Le manque de modèles féminins : un miroir déformant
Il est difficile de se projeter dans une place qu’on ne voit pas occupée. Ce manque de figures féminines visibles et valorisées crée un vide symbolique. Et ce vide entretient l’idée que notre réussite est une anomalie, une exception.
Pour autant même ce vide est une construction sociale. Vous connaissez Mileva Einstein ? C’est normal, cette physicienne brillante, femme d’Albert Einstein, est rarement mentionnée. Les chercheurs parlent aujourd’hui d’effet Matilda pour désigner l’oubli systématique des femmes dans l’histoire des sciences.
Sans repère clair, difficile de savoir où l’on va ou d’y aller sans devoir se justifier. Il est parfois difficile d’avoir quotidiennement des réflexions quand on occupe une position où il y a peu de femmes. Juste parce que les remarques sur votre situation “extraordinaire” sont quasi quotidiennes. Ce qui vous paraissait naturel devient anormal du fait du regard des autres et en particulier des autres femmes.
Les manifestations du syndrome de l’imposteur chez les femmes
Une remise en question constante, masquée par l’honnêteté
L’une des caractéristiques les plus marquantes est cette tendance à se remettre en question, même quand tout se passe bien. On doute de ses compétences, on met en avant les autres, on minimise ses apports.
Ce n’est pas de l’humilité, c’est de la suradaptation. Et parfois même, une forme de loyauté mal orientée. J’ai longtemps cru que dire “j’ai réussi” était un manque de respect pour celles et ceux qui en bavaient. Résultat : je me suis tue. Souvent.
Une banalisation de ses compétences
Lors d’une conférence, j’ai entendu une jeune femme expliquer avec brio un projet complexe en IA. À la fin, elle a dit : “Mais je n’ai rien fait d’extraordinaire.”
On m’a demandé ce que j’en pensais. J’ai répondu : “C’est exactement ça, le syndrome de l’imposteur.” Ce besoin de minimiser son impact, même quand il est clair, reconnu, utile.
Ce biais de disqualification des réalisations est central. Et il est souvent renforcé par la crainte d’être perçue comme “prétentieuse”.
Une autocritique exacerbée
Les femmes ont tendance à interpréter une remarque négative comme une remise en question globale. Là où un homme va considérer un feedback comme spécifique, une femme va le généraliser.
À compétence équivalente, les femmes sous-estiment leur performance, là où les hommes la surestiment. Pour postuler, une femme estime qu’elle doit répondre à 100 % des critères, là où un homme se contentera de 60 % [Étude LinkedIn, « Différence hommes-femmes dans la recherche d’emploi : quelle influence sur le parcours des candidats ? », 2019]
Les conséquences du syndrome de l’imposteur chez les femmes sur leur trajectoire professionnelle
Progression ralentie, ambitions autocensurées
Ce doute chronique finit par peser lourd. Les femmes osent moins se porter candidates, attendent qu’on vienne les chercher, et évitent les postes à forte visibilité.
Selon une étude du McKinsey Global Institute, les femmes sont deux fois moins susceptibles que les hommes de postuler à une promotion. Ajoutons à cela que, même si elles sont tous les ans plus ambitieuses, elles ont encore 33% de chance en moins d’être promues qu’un homme. On peut aisément comprendre que cela les limite dans leurs aspirations professionnelles.
Dans certains cas, cela se traduit par une stagnation de carrière. Dans d’autres, par un épuisement profond : elles donnent tout pour prouver qu’elles méritent leur place, sans jamais se sentir en sécurité.
Je vous en dis plus dans l’article “Vaincre le syndrome de l’imposteur : 5 leviers concrets et un bonus puissant” car cette spirale peut être rompue.
Moins de prise de parole, moins de prise de risque
J’ai animé de nombreuses réunions avec des femmes expertes. Je les ai ensuite invitées à partager leur expérience. Beaucoup commencent leur intervention par : “Je ne suis pas sûre d’être la mieux placée pour en parler…”
C’est symptomatique. On s’excuse d’exister dans l’espace public, même quand on y a toute notre place.
Et parfois, on n’ose même pas parler. Les chiffres sur les interruptions de parole en réunion sont édifiants. Ce phénomène, appelé manterrupting, est documenté : les femmes sont plus souvent interrompues, moins écoutées, moins citées.
Et quand un manager bienveillant veut leur redonner la parole, il est souvent désarmé face à leur retrait. Parce qu’en amont, il manque un climat de sécurité psychologique.
Comment sortir de cette spirale et combattre le syndrome de l’imposteur ?
Je ne crois pas aux injonctions du type “Affirme-toi !” ou “Prends confiance !”
Mais je crois qu’il est possible de reprendre la main, doucement, concrètement.
Il existe des actions simples, applicables à son rythme. Je mentionne l’article dans lequel je les détaille un peu plus haut.
Si vous ne savez pas par où commencer, posez-vous ces trois questions :
- Quelle est la dernière situation où j’ai minimisé mon apport ?
- Qu’est-ce que je ferais différemment si j’avais plus confiance ?
- Qui, dans mon entourage, renforce ce doute ? Volontairement ou non ?
Il n’y a pas de réponse toute faite. Mais j’ai identifié et mis en pratique des amorces de mouvement qui m’ont fait beaucoup de bien et je vous les partage volontiers.
Conclusion : briser le silence et affronter ensemble le syndrome de l’imposteur chez les femmes
Le syndrome de l’imposteur chez les femmes est un phénomène complexe, mais pas irrémédiable. Il ne se combat pas à coups d’injonctions, mais à travers la compréhension, la lucidité, le partage.
Quand une femme ose dire “je doute”, et que d’autres lui répondent “moi aussi”, quelque chose se déverrouille.
Alors commençons par là.
Pour aller plus loin
- Syndrome de l’imposteur : le comprendre pour le vaincre
- Test gratuit : Avez-vous le syndrome de l’imposteur ?
En savoir plus sur LES BIAIS DANS LE PLAT
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Tu soulèves des arguments très justes, merci pour ce partage !
On attend des petites filles qu’elles soient « calmes et appliquées »… Pourquoi ne pas attendre cela d’un garçon ? C’est trop souvent ce qui traîne dans l’air et arrive aux petites oreilles de nos chères têtes blondes. On en arrive au perfectionnisme féminin, qui entretient cette peur irrationnelle de parler en public et d’être jugée. Une petite fille sage apprend ses leçons et sait répondre aux questions. Une « grande fille » doit connaître son sujet et déjouer toutes les questions pièges, ce qui l’amène à s’épuiser mentalement et émotionnellement.
Merci les parents pour cet héritage !
C’était quelque chose de très fort en moi jusqu’à ce que j’en prenne connaissance. Aujourd’hui, il y a toujours un petit quelque chose dans le coin de ma tête, mais je le rationnalise et j’arrive à le faire taire.
Il faut savoir que si vous ressentez cela, ce n’est pas de votre faute ! C’est un poids transrationnel que nous avons ancré dans notre ADN de génération en génération. Et qui est amplifié par l’Histoire récente. Prenez confiance en vous et foncez !
Mon meilleur conseil serait : et au pire, si ça se passe pas comme je le veux, qu’est-ce que je risque ? Vous verrez que dans la plupart des cas, il ne se passera ABSOLUMENT RIEN ! 🙂
Et bien oui, avant de lire ton article je pensais que le syndrome de l’imposteur était une question de personnalité mais je viens de comprendre, grâce à toi, que c’est un phénomène complexe aux racines profondes !
Bizarrement, cette prise de conscience me fait déculpabiliser et va grandement m’aider à dépasser mes blocages. Merci.